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Coronavirus : Comment nos habitats, nos espaces de travail et nos villes vont-ils évoluer ?

STYLE Dans le « monde d’après », habitats, bureaux et villes seront bouleversés

ARCHITECTURE 

Le coronavirus va-t-il changer durablement nos logements, nos lieux de travail et nos villes comme le choléra l’a fait au temps du baron Haussmann ? Twitter

Publié le 06/06/20 à 11h05 — Mis à jour le 07/06/20 à 12h16

Salon transformé en bureau de fortune, ouverture de pistes cyclables ou encore marquage au sol, le coronavirus a bouleversé notre environnement. — Sebastien SALOM-GOMIS/Aaron Favila/AP/ISA HARSIN/SIPA

  • Marquage au sol, plaques de plexiglas, bureau improvisé dans le salon… La crise sanitaire a bouleversé nos environnements de vie quotidienne.

  • Durant le confinement, les citadins ont souffert de manque d’espace et d’espaces verts.

  • Le coronavirus va-t-il bouleverser l’architecture ? Réponse avec un architecte, un architecte d’intérieur et un urbaniste.

Marquage au sol devant les écoles et dans le métro, plaques de plexiglas aux caisses, et bureau dans le salon… Le confinement a bouleversé notre environnement. « Il y a eu une réponse de l’ architecture et de l’urbanisme dans l’histoire face à des crises sanitaires », rappelle Paul Jubert, architecte associé chez Séméio Architecture. Les grandes transformations de Paris par Haussmann au XIXe siècle sont ainsi essentiellement dues au choléra. Alors le coronavirus va -t-il durablement changer nos habitats, nos espaces de travail et nos villes ?

« En tant qu’architecte, cette crise me pousse à aller plus loin. Il faut qu’on trouve des solutions pour améliorer la société. Ce temps de pause doit générer des changements qui permettent de mieux vivre ensemble et mieux vivre tout court », lance Michael Malapert, architecte d’intérieur. « Dans l’espace individuel et collectif, cette pandémie est un accélérateur de phénomènes, de préceptes, de projets qu’on a déjà en tête depuis des années et vers lesquels on essaye de tendre », considère Paul Jubert.

« Une des clés, c’est revenir à de bons logements »

Le salon ou la chambre se sont improvisé bureau ou salle de sport durant le confinement. « Les espaces individuels ont été éprouvés au maximum de leurs capacités », constate Paul Jubert. « Tout cela ajoute des fonctions à nos habitations », ajoute Michael Malapert. Une fonction qui bien souvent n’avait pas été pensée. « Le télétravail va probablement générer la fabrication de nouveaux meubles », estime l’architecte d’intérieur.

« La question est de savoir comment on va faire fonctionner nos logements de demain pour pouvoir articuler tous ces nouveaux usages », s’interroge Paul Jubert. A la campagne, le confinement a été plus facile à vivre parce que les habitations sont plus grandes. « Une des clés, c’est revenir à de bons logements, c’est-à-dire à un logement d’une bonne surface. Le T3 moyen en France est descendu sous les 60 m2 quand la plupart de nos voisins européens ont des trois pièces qui font 72 ou 75 m2, déplore l’architecte. Hélas, la chaîne est toujours rattrapée par la valeur économique. On espère que cette pandémie va redynamiser ces valeurs. »

« Le coliving comme nouveau standard »

« On peut imaginer un espace extérieur un peu plus généreux en agrandissant les balcons et les loggias », approuve Jack Arthaud, directeur général de l’Etablissement Public d'Aménagement de Saint-Etienne (EPASE), « seule métropole à avoir été en décroissance ces trente dernières années » et commune qui a une « antériorité sur la manière de travailler sur ces questions de crise au niveau des villes. »

S’il est difficile d’imaginer des appartements plus grands de 15m2 dans les grandes métropoles où les prix de l’immobilier flambent, notamment dans le neuf, il existe des solutions comme le coliving, des logements mixant « des espaces communs partagés et espaces privés », précise Michael Malapert. Des résidences avec une salle de sport, une buanderie, une chambre d’amis, mais aussi des espaces de télétravail communs. « On peut imaginer que cela devienne un nouveau standard d’habitation », estime Michael Malapert. « On travaille beaucoup sur ces questions de coworking, de coliving et d’espaces partagés. C’est une des réponses », abonde Jack Arthaud.

« Le bureau va devenir davantage un espace de vie »

Le télétravail va-t-il signer la fin de l’open space ? « Je ne pense pas, croit Paul Jubert. La surface des bureaux ne va pas beaucoup changer, en revanche, ce qui peut évoluer, c’est la rotation. Il va y avoir des aménagements du temps de travail pour coller à de nouveaux usages. » « Le bureau va devenir davantage un espace de vie, de créativité et d’échanges pour compenser le télétravail qui va devenir plus important », considère Michael Malapert.

« Est-ce qu’on doit revenir au bureau ? », questionne Jack Arthaud, qui prône le rapprochement des espaces de travail et de logement. L’urbaniste mise sur les « tiers-lieu », à savoir des espaces de travail partagés et collaboratifs. « Si j’habite à la campagne, je ne vais pas forcément travailler à la maison, mais dans le village d’à-côté où je vais trouver un lieu pour m’installer avec mon ordinateur et retrouver d’autres personnes qui ne travaillent pas forcément dans la même entreprise que moi », explique-t-il.

De quoi casser l’isolement du télétravail, retrouver de la convivialité et limiter ses déplacements. « Si les gens ont moins besoin d’être proche de leur lieu de travail, ils auront moins de contraintes de transports. Cela va favoriser l’installation vers des endroits plus proches de la nature », espère Michael Malapert.

« Le besoin d’espace vert est crucial »

Les citadins se sont rendu compte durant le confinement que « le besoin d’espace vert est crucial », comme le souligne Paul Jubert, qui espère « ramener cette nature en ville dans l’espace collectif et individuel ». « Il faut arrêter de se poser la question : est-ce que je mets un balcon ou pas même pour un petit logement. Les logements doivent aussi avoir une double orientation, ou a minima, les petits logements doivent être orientés sur la bonne façade au sud ou à l’ouest », détaille-t-il.

« Réintroduire de la nature en ville est un sujet très important », affirme Jack Arthaud, citant « des expérimentations dans des quartiers anciens en plein cœur de Saint-Etienne » comme ces jardins dédiés aux insectes et aux oiseaux. « Ce sont des réservoirs de biodiversité », se réjouit-il.

Jardins partagés, toits végétalisés, etc. « Cette notion d’écologisation est primordiale. On en a déjà conscience. La pandémie doit être un accélérateur » selon l’architecte. « On s’est rendu compte qu’on pouvait tous ralentir un peu. Et cela ouvre des horizons que jusqu’ici on s’interdisait », remarque Michael Malapert. Et d’imaginer que « l’on s’accorde du temps pour des activités comme le jardinage et le développement de la végétation autour de soi. Ce sont peut être ces espaces de loisirs et de créativité qui vont apparaître dans l’univers urbain. »

« Sur le vélo, on a fait un bond de dix ans en un mois »

La pandémie a et va accélérer la transformation des grandes métropoles. « Sur le vélo, par exemple, on a fait un bond de dix ans en un mois », observe Paul Jubert. Quel tollé aurait provoqué, il y a encore quelque mois, la transformation de la rue de Rivoli, un des principaux axes parisiens, en piste cyclable ? « La généralisation du télétravail va alléger les transports et les routes », félicite Paul Jubert. « Cela va dans le sens de l’histoire », confirme Michael Malapert.

Le vélo a aussi conquis de nouveaux espaces sur la voirie de Saint-Etienne. « On est dans une accélération. Les gens ont besoin de se déplacer autrement. Cette période permet des expérimentations, qui en temps normal auraient pris des années, là cela se fait en quelques jours. Les gens ont besoin de se déplacer autrement. On est dans l’urbanisme tactique, un urbanisme transitoire en mode forcé. Et on verra comment cela se passe », remarque Jack Arthaud.

A l’instar des marquages de pistes cyclables sur la chaussée, le coronavirus a aussi fait fleurir des signalétiques pour encourager la distanciation physique. « Le marquage au sol va-t-il se pérenniser dans les supermarchés ? Peut-être. On va peut-être rentrer dans une réinterprétation de l’architecture hygiéniste du XIXe siècle », s’interroge Paul Jubert, qui estime que « la mutation de l’espace public va être délicate » parce qu’il va falloir « trouver le bon équilibre entre distanciation et sécurité sanitaire et créer du lien ». « Il faut essayer de retrouver des espaces de convivialité avec de la végétation, des bancs et des tables », renchérit Jack Arthaud. Objectif après cette crise du coronavirus ? « Dédensifier la ville pour la rendre un peu plus humaine », souligne Jack Arthaud. Habitat, lieux de travail et espace public, comme les individus, ont besoin de retrouver du sens.

Tag(s) : #COVID-19, #Architecture
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