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Le 11 mars 2011 survenait le plus gros accident de l'histoire du nucléaire après Tchernobyl. Dix ans après, le Japon n'a pas abandonné l'atome, pas plus que la France, et le risque demeure malgré des mesures de sûreté supplémentaires.
Fukushima : dix ans après la catastrophe nucléaire, les risques demeurent

« Nous avons frôlé l'obligation d'évacuer 50 millions d'habitants. Cela équivalait à l'effondrement de tout un pays », avait témoigné Naoto Kan, Premier ministre du Japon à l'époque de la catastrophe. Le 11 mars 2011 survenait en effet un séisme de magnitude 9 dans la mer à l'est du Japon. Séisme à l'origine d'un tsunami qui allait submerger la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, occasionner la fusion de trois de ses réacteurs et la perte de refroidissement de plusieurs piscines d'entreposage de combustibles usés.

« De très importants rejets radioactifs dans l'environnement ont eu lieu, entraînant l'évacuation des populations et une contamination durable des territoires autour de la centrale », rappelle l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). L'accident a été classé au niveau 7 de l'échelle Ines, soit le niveau maximal, rejoignant ainsi la catastrophe de Tchernobyl dans ce triste palmarès. Si l'établissement public établit un bilan plutôt rassurant dix ans après l'accident, les anti-nucléaires ne le partagent pas et alertent sur les risques d'accidents majeurs qui demeurent, en particulier en France.

Des conséquences sanitaires qui font débat

Les conséquences humaines de l'accident ont été limitées, rapporte l'IRSN. Les niveaux de contamination ont été bien plus faibles que pour l'accident de Tchernobyl. « À ce stade, (…) il est encore prématuré de se prononcer sur une éventuelle augmentation des cancers de la thyroïde due à l'accident de Fukushima », affirme l'établissement public. Ce constat lénifiant est loin d'être partagé par le Réseau Sortir du nucléaire. « En juin 2020, on recensait déjà 202 cas confirmés de cancer de la thyroïde chez les 300 000 enfants du département de Fukushima, alors que l'occurrence de cette maladie chez les jeunes est normalement de 2 à 3 cas pour un million », relève l'association.

Quant aux quelque 25 000 travailleurs employés dans des opérations d'urgence et de remédiation entre le jour de l'accident et octobre 2012, « aucun syndrome aigu d'irradiation ni de décès pouvant être attribués à une exposition aux rayonnements ionisants n'ont été observés parmi les travailleurs engagés dans des travaux d'urgence », rapporte l'IRSN. Celui-ci estime « peu probable » qu'une augmentation de l'incidence des cancers dus à ces rayonnements soit perceptible.

La radioactivité dans l'air a été divisée par deux depuis l'accident, ajoute l'établissement public. Quant à la radioactivité en mer, les niveaux actuels en césium-137 et césium-134 sont compris entre 0,001 et 0,1 Bq/L après avoir dépassé plusieurs dizaines de milliers de Bq/L en 2011, rapporte-t-il.

22 % des habitants sont de retour

Suite à l'accident, environ 95 000 personnes avaient été évacuées de la zone de décontamination spéciale (SDA) et 65 000 personnes habitant hors de cette zone étaient parties d'elles-mêmes. Dix ans après, le taux de retour des habitants est de l'ordre de 22 % dans la zone de décontamination spécifique, établit l'Institut. Les opérations de décontamination des territoires contaminés se sont achevées en mars 2018 et ont généré 17 millions de mètres cubes de déchets répartis sur 1 359 sites d'entreposage temporaires, ajoute-t-il.

Pourtant, selon le Réseau Sortir du nucléaire (RSN), « la contamination des sols reste une réalité quotidienne, non seulement dans le département de Fukushima mais aussi dans une large partie du Nord-Est du Japon ». Une enquête menée par Greenpeace Japon montre également que 85 % de la zone de décontamination spéciale n'ont pas été complètement décontaminés.

Que faire des eaux contaminées ?

Quant au site de la centrale lui-même, la situation est stabilisée, rapporte l'IRSN. Ce que dément RSN qui estime qu'elle n'est toujours pas sous contrôle. Le problème soulevé par la gestion des eaux contaminées est en revanche admis par tous. Le volume des eaux collectées a pratiquement doublé entre 2015 et 2020, et les capacités maximales d'entreposage du site devraient être atteintes d'ici l'été 2022, rapporte l'IRSN. Pour leur élimination finale, il est envisagé d'autoriser l'exploitant à rejeter ses eaux en mer.

Quant au plan de démantèlement, l'exploitant TepCo prévoit trois phases, dont la dernière est prévue sur une période de 30 à 40 ans. Un plan que Greenpeace qualifie de « fantasme ». L'ONG demande de le repenser en profondeur. « Les niveaux de radioactivité extrêmement élevés rendent illusoires les perspectives de démantèlement », estime aussi le Réseau Sortir du nucléaire. Michèle Rivasi, eurodéputée écologiste, pointe le gouvernement japonais actuel qui « s'apprête à verser un million de mètres cubes d'eau contaminée dans le Pacifique » tout en voulant « faire des Jeux olympiques de Tokyo une vitrine de la reconstruction de la région de Fukushima ».

Des leçons non tirées en France

La catastrophe a provoqué un retrait de l'atome dans de nombreux pays, dont l'Allemagne qui a accéléré sa sortie du nucléaire. La filière n'a plus le vent en poupe au niveau mondial, davantage maintenant pour des questions économiques que pour des raisons de sûreté. À la mi-2020, la capacité d'exploitation totale des réacteurs nucléaires a diminué de 2,1 % par rapport à l'année précédente, selon le Word Nuclear Report 2020.

La France croit pourtant toujours à l'atome dont elle est l'un des leaders. Celle-ci s'était fixé l'objectif de réduire la part du nucléaire à 50 % dans le mix électrique d'ici 2025 mais elle a repoussé cette échéance à 2035. Seule la fermeture de la centrale de Fessenheim marque, dans les faits, l'amorce de ce mouvement.

 

 
Je m'inquiète du laxisme sur la sûreté nucléaire. Nous vivons dans un pays où nos réacteurs ont reçu l'autorisation de dépasser les 40 ans, alors que toutes les mesures de sûreté post-Fukushima ne sont pas encore mises en œuvre. 
Michèle Rivasi, eurodéputée écologiste
 
Pour le Réseau Sortir du nucléaire, la France n'a pas tiré les leçons de Fukushima. Cette catastrophe « est venue démontrer qu'un accident nucléaire était possible même dans un pays à la pointe de la technologie, du moment que les capacités de refroidissement et d'alimentations électriques des centrales étaient touchées », relève l'association anti-nucléaire.

 

Or, les nouvelles exigences de sûreté mises en place en France après l'accident ne sont pas satisfaites, pas plus d'ailleurs que dans le reste de l'Europe malgré les tests de résistance prescrits par l'UE. En effet, dans un avis du 7 janvier, l'IRSN juge « significatives » les améliorations apportées par EDF pour maîtriser des situations de perte de la source froide ou des alimentations électriques. Mais l'établissement public souligne aussi que le renforcement de la robustesse des installations face à des agressions de niveau extrême est loin d'être achevé. Plus grave, l'énergéticien n'a pas achevé non plus sa démonstration de sûreté face à une agression de niveau conventionnel. En d'autres termes, « aucun réacteur en fonctionnement n'est à niveau », selon Greenpeace. L'association estime, au rythme actuel, que les normes post-Fukushima ne seront pas respectées avant 2039.

« Je m'inquiète du laxisme sur la sûreté nucléaire. Nous vivons dans un pays où nos réacteurs ont reçu l'autorisation de dépasser les 40 ans, alors que toutes les mesures de sûreté post-Fukushima ne sont pas encore mises en œuvre », s'indigne Michèle Rivasi, fondatrice de la Commission de recherche et d'information sur la radioactivité (Criirad).

EDF n'est en effet pas seule en cause. Greenpeace pointe également la responsabilité du gendarme du nucléaire. « En choisissant de composer avec l'incompétence d'EDF plutôt que d'imposer la tenue du délai initial, l'ASN se fait complice de cette situation », juge Roger Spautz, chargé de campagne nucléaire au sein de l'association.

Le 14 mars 2011 j'avais écrit un truc comme ça sur mon site: 

 

Tag(s) : #Environnement
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