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Une étude parue dans la revue Nature Climate Change estime que la chute brutale des émissions mondiales due aux mesures de confinement est porteuse d'espoir si elle se poursuit grâce à des mesures structurelles.

C'est pendant le confinement que le professeur Piers Forster, directeur du Priestley International Centre for Climate à Leeds (Grande Bretagne) et chercheur principal au sein du consortium européen de recherches climatiques Constrain, a commencé à travailler avec sa fille Harriet.

Ensemble ils ont analysé les données de mobilité mondiale nouvellement accessibles fournies par Google et Apple et calculé l'évolution de dix gaz à effet de serre et polluants atmosphériques différents entre février et juin 2020 dans 123 pays. Ils ont ensuite fait appel à une équipe plus large pour aboutir à une analyse détaillée, parue dans la revue Nature Climate Change le 8 août.

L'étude, élaborée par une équipe de quatorze co-auteurs, révèle que l'accès inédit aux données de mobilité mondiale fournies par Google et Apple « offre une occasion unique de comparer les tendances dans de nombreux pays avec une approche cohérente ».

Les évolutions de la mobilité retracées par les données de Google et Apple, combinées aux données d'une étude antérieure conduite par la climatologue Corinne Le Quéré, indiquent qu'au moins 50% de la population mondiale ont réduit leurs déplacements de moitié en avril 2020. Les tendances de mobilité de Google indiquent que plus de 80% de la population dans 114 pays ont réduit leurs déplacements de plus de 50%, soit quatre milliards de personnes.

Cependant, la baisse du dioxyde de carbone (CO2), des oxydes d'azote (NOx) et d'autres émissions de 10 à 30% dans le monde, déclenchée par les changements de comportement massifs observés pendant le confinement, n'aura qu'un impact minime sur le climat parce qu'elle relève de mesures de confinement temporaires. L'étude montre en effet que même si certaines mesures de confinement étaient maintenues jusqu'à la fin de 2021 en raison d'un rebond de la pandémie, l'impact sur le réchauffement ne serait que de 0,01°C en 2030.

Selon l'auteur principal de l'étude, Piers Forster, "les choix faits maintenant pourraient nous donner une forte chance d'éviter 0,3˚C de réchauffement supplémentaire d'ici le milieu du siècle, ce qui réduirait de moitié le réchauffement attendu au regard des politiques actuelles. Cela pourrait faire la différence entre le succès et l'échec pour éviter les pires conséquences du changement climatique".

Les chercheurs ont donc modélisé des options pour la reprise après le confinement, montrant que la situation actuelle offre une occasion unique de mettre en œuvre un changement économique structurel « qui pourrait nous aider à évoluer vers un avenir plus résilient et sans émissions nettes ».

 
 

C'est essentiellement le ralentissement de la mobilité qui est à l'origine de la chute des émissions pendant le confinement© Constrain

Combiner les réductions d'émissions dans trois secteurs

Les résultats de l'étude indiquent que les réductions d'oxyde d'azote (NOx), principalement issues des transports, ont un effet de refroidissement qui compensera probablement une fraction considérable du réchauffement causé par la réduction des émissions d'autres polluants à courte durée de vie. En l'occurrence, la réduction des émissions de dioxyde de soufre (SO2) provoque un réchauffement ponctuel dû à l'affaiblissement du forçage négatif des aérosols dans la troposphère. Les co-auteurs recommandent donc de réduire la pollution de trois secteurs en même temps : transports, industrie et énergie.

Dans un scénario de relance verte « modérée », cette étude estime que les émissions diminueront encore jusqu'à  fin 2021 en raison des répercussions de l'épidémie de Covid, puis elles repartiront légèrement à la hausse jusqu'à la fin de 2022 et se stabiliseront. Les gouvernements choisissent, dans cette hypothèse, de cibler spécifiquement les énergies à faible émission de carbone et l'efficacité énergétique, et ne soutiennent pas le sauvetage des entreprises fossiles.

Le différentiel d'investissement qui en résulte (+ 0,8% pour les technologies à faible émission de carbone et −0,3% pour les combustibles fossiles par rapport à un scénario de politique actuelle) commence à modifier structurellement l'intensité des émissions de l'activité économique, entraînant une diminution d'environ 35% des émissions de gaz à effet de serre de 2030 par rapport au scénario de référence, une tendance qui devrait se poursuivre par la suite, compatible avec l'atteinte du taux de CO2 net nul à l'échelle mondiale d'ici 2060.

Un package plus radical consisterait à accentuer les différentiels d'investissement (+ 1,2% pour les technologies bas carbone et −0,4% pour les énergies fossiles par rapport à un scénario de politique actuelle), ce qui entraînerait une diminution d'un peu plus de 50% des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 par rapport au scénario de référence. Cette tendance se poursuivrait par la suite, cohérente avec l'atteinte du niveau global de CO2 net nul d'ici 2050.

Pour Corinne Le Quéré, directrice du Tyndall Centre for Climate Change Research à l'université d'East Anglia et co-auteure de l'étude (et par ailleurs présidente du Haut Conseil pour le climat), "la baisse des émissions que nous avons connue lors de la crise du coronavirus est temporaire et ne contribuera donc pas à ralentir le changement climatique, mais les réponses du gouvernement pourraient marquer un tournant si elles se concentrent sur une relance verte, ce qui permettrait d'éviter les plus graves conséquences du changement climatique."

A court terme, ce sont d'abord les changements des normes de comportement qui enrayent le réchauffement. L'épisode Covid en a été la démonstration. Les incitations à décarboner tous les secteurs de l'économie complètent à long terme ces évolutions.

Tag(s) : #Environnement
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