Présentée ce lundi à Matignon, sous l'égide d'Élisabeth Borne, la version finale de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB3) oscille entre ambition manifeste et bonne volonté sans danger.
Comme l'a rappelé le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, « il s'agit de la stratégie française pour la biodiversité la plus ambitieuse à ce jour ». Mais, comme il l'a concédé lui-même, « elle pourrait l'être encore davantage ». Accompagné de la secrétaire d'État chargée de la biodiversité, Sarah El Haïry, le ministre a présenté la version finalisée de la troisième édition de la Stratégie nationale pour la biodiversité à horizon 2030 (SNB3) ce lundi 27 novembre.
Quelques nouveautés
Cette livraison officielle, introduite à l'hôtel de Matignon par la Première ministre, Élisabeth Borne, s'est déroulée face aux diverses parties prenantes associées au Comité national de la biodiversité (CNB). « Il n'y a rien en moins [dans la version finale de la SNB3] mais elle comporte plusieurs ajouts », leur a précisé Christophe Béchu en réponse à leurs avis rendus le mois dernier. Les 39 mesures privilégiées initialement (et réparties en quatre axes) ont toutes été conservées mais ont été agrémentées de « nouvelles actions ».
Dans la version finale du document, la mesure 1 (de l'axe 1 « Réduire les pressions sur la biodiversité ») comporte désormais une onzième action, intitulée « Renforcer la protection des écosystèmes glaciaires et émergeant du retrait glaciaire », en réaction au discours du président de la République, Emmanuel Macron, lors du One Planet - Polar Summit de Paris. Le Gouvernement vise, en l'occurrence, la formulation de « pactes territoriaux » dès 2024 pour s'engager à les protéger. Autre exemple : la mesure 9 de ce même premier axe, portant sur la « Réduction des pollutions lumineuses », intègre maintenant les pollutions sonores. Un certain nombre d'actions supplémentaires doivent s'atteler à limiter les bruits subis par la faune marine.
En outre, lors de la présentation de cette nouvelle stratégie, le Gouvernement a souhaité insister sur d'autres mesures : la création d'un nouveau parc national pour la protection des milieux humides (mesure 1 – action 1), qui pourrait se situer en Camargue, en Guyane ou dans le bassin de la Loire ; la mise en place d'une « taskforce » de lutte contre le trafic d'espèces sauvages, surnommée « TracNat » et rattachée au ministère de la Transition écologique (mesure 1 – action 4) ; le recensement dès l'année prochaine, à travers un « appel d'offres », de l'ensemble de la biodiversité française en croisant inventaires naturalistes et prélèvements d'ADN environnementaux (mesure 36 – action 8) ; ou encore la publication en 2024 d'un « plan d'action pluriannuel » pour la « suppression ou la réforme des dépenses publiques dommageables » à la biodiversité (mesure 37 – action 5).
Un engagement sans contrainte
Concrètement, les « actions » listées pour chaque mesure sont soumises à un calendrier et à une modalité d'application différents. La SNB3 en elle-même ne prendra pas la forme d'un décret ou d'un quelconque texte réglementaire ou juridique. Comme l'a rappelé le cabinet de Sarah El Haïry, « cette stratégie ne s'appuie sur aucune base légale existante et le Gouvernement n'a pas la volonté de s'en doter d'une ». Seules les mesures de l'axe 2, consacré à la « Restauration de la biodiversité dégradée partout où c'est possible » en anticipation de l'adoption du règlement européen en la matière, pourront être « potentiellement opposables juridiquement au niveau européen ». En effet, une fois publié, le texte européen devrait obliger les États-membres à transmettre à Bruxelles un « plan national de restauration », qui, côté français, consisterait en un regroupement des mesures concernées dans la SNB3.
Par ailleurs, s'agissant du suivi de cette stratégie, le Gouvernement s'engage à produire annuellement un retour sur son avancement au CNB – seule promesse d'évaluation volontaire de sa part. « Cette présentation pourrait être l'occasion d'y acter les clauses de revoyure prévues pour certaines mesures », a souligné le secrétariat d'État. Un regard régulier dans le rétroviseur semble particulièrement nécessaire pour éviter de reproduire les erreurs des vingt dernières années. Surtout lorsque le bilan de la précédente SNB (pour la période 2011-2020) est résumé en ces termes par le ministère de la Transition écologique et l'Office français de la biodiversité (OFB) : « les pressions affectant la biodiversité n'ont pas été réduites significativement ».
Félix Gouty, journaliste
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