Entre Yvette et Élise, quelques années de différence, quelques kilomètres aussi entre leurs lieux d'enfance et du coup les traditions et souvenirs de Noël diffèrent.
Les Trois messes de Minuit et le Réveillon :
Yvette vivait à Boussens jusqu'à ces douze ans: "le soir de Noël on mettait une grande buche dans la cheminée et ensuite on partait à la messe de minuit et la buche devait tenir toute la nuit. Et quand on rentrait de la messe on faisait griller des saucisses sur les braises et les enfants avaient un bon chocolat chaud."
Ensuite Yvette et sa famille déménage à l’âge de 13 ans dans une ferme sur le route de Marignac Laspeyres, et là il y avait bien 2 kilomètres jusqu’ à Martres-Tolosane « et on y allait à pied. A la sortie des églises il y avait le "caquetoir"! On restait pour discuter avec les gens, car en ce temps-là on ne se rencontrait pas souvent. On faisait la veillée avec des voisins, ils étaient à 500 mètres ou 1 kilomètre. Papa avait une lampe tempête et on partait chez les voisins, mais parfois il fallait traverser des bois... »
Pour Elise, née en 1933 et qui a toujours habité Cassagne, ce qui l’a vraiment marqué c’était les Trois Messes de Minuit : « je me souviens d'être allée aux trois messes de minuit à Cassagne. On veillait à la maison avec la famille et les cousins du Tarté et ensuite on partait à l'église, à minuit. Il y en avait qui arrivait du Besson avec le cheval (au moins 4 kms).
Il y avait trois messes: la première messe était chantée ; de mon temps c'était Henri Fauroux du Tarté qui chantait le Minuit Chrétien, et toute l’église chantait. La seconde messe était à moitié chantée et la troisième messe était une messe basse, dite à toute vitesse! Comme dans le livre de Daudet… Il faisait froid dans l'église! Il y avait un gros poêle dans le fond, et toutes les "vieilles" étaient autour du poêle. On revenait vers 2 heures du matin.
Mon grand-père restait à la maison et faisait du feu. Je me souviens que Papa mettait de côté la plus grosse buche et il la rentrait pour la nuit de Noël. Ma grand-mère allait à la messe du matin. Et quand on rentrait mon grand-père avait fait des braises et on faisait griller de la saucisse et du beefsteak. Les deux à la fois, ce n’était que pour la nuit de Noël que ça arrivait. Peut-être il y avait autre chose, mais moi je me souviens surtout de ça. On approchait la table de la cheminée, car il faisait très froid et on se régalait. »
Le sapin et les cadeaux :
Le sapin en ce temps-là, c’était du genévrier coupé en forêt.
« Pour le décorer, » se souvient Yvette, « on se servait du "carup" de maïs. Maman gardait les papiers des tablettes de chocolat et on l'entourait avec ça, et on suspendait des boules de coton, mais pas trop car ça coutait cher. Côté cadeaux, on avait une orange, des chocolats. A Boussens on avait la chance qu'il y ait La RAP (usine de la Régie Autonome des Pétroles) et il y avait des ingénieurs qui venaient chercher du lait, des œufs à la ferme et ils nous faisaient des cadeaux parfois. Une fois des gens originaires de Marseille nous ont offert la crèche, avec les santons de Provence. On était un peu jaloux des enfants de la RAP, ils avaient un arbre de Noël et nous non. »
Pour Elise les Noëls étaient un peu plus festifs : « il y avait l'arbre de Noël à Mazères et à Cassagne car Robert Lacroix était maire de Mazères et André Lacroix maire de Cassagne en 1939. On avait droit aux deux arbres parce que mon père travaillait chez Lacroix et on habitait Cassagne.
On ne faisait pas d'arbre de Noël quand j'étais petite, mais par contre on mettait nos petites sandales ou sabots devant la cheminée et le matin quand on se levait le Père Noël était passé.
La poupée de « chez Louise » :
Et mon plus beau souvenir de Noël c'est quand un matin, j'avais eu une poupée et qu'est-ce que j'avais été heureuse! Maman, Jeannette, l'avait acheté "chez Louise", à l'épicerie de Cassagne. Cette poupée je l'avais vue affichée en vitrine, et je devais lui en avoir parlé tant et tant, et Maman m’avait dit "tu vois le Père Noël il savait que ça te ferait plaisir. J'avais 5 ou 6 ans, c'était avant la Guerre. Mon frère il avait eu un cheval avec une charrette et ma sœur qui était plus grande avait eu un joli livre "Les écoliers des autres pays" et nous avions un panier de mandarines et un sabot en chocolat avec un petit Jésus en sucre rose à l'intérieur. Je le revois comme si c'était hier. »