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Tribune Moins de protocole, plus d’école !

Un collectif de parents d'élèves réclame le retour à l’école d'urgence de tous les enfants.

Tribune. Aujourd’hui, alors que les indicateurs du Covid-19 sont en baisse, la réouverture des écoles pour tous ne semble pas être une priorité pour le gouvernement. L’immense majorité des familles, enfants et parents, ne comprend pas pourquoi le gouvernement en a décidé ainsi, au détriment de la santé et de l’épanouissement des enfants d’une part, et de la reprise professionnelle (et donc économique) des parents d’autre part. Pourtant, comme l’ont souligné tous les pédiatres, c’est-à-dire les experts dans le développement psychomoteur et physiologique des enfants, le retour à l’école de tous les enfants est une urgence absolue, d’autant plus que les enfants ne sont pas le vecteur principal de l’épidémie.

Pour mémoire, pendant le confinement, les enseignantes et enseignants se sont donné beaucoup de mal pour mettre en place l’enseignement distanciel et nous les remercions pour ce travail complexe. Bien qu’ils ne soient pas formés pour cela, certains parents ont essayé de faire «l’école à la maison» en relayant leurs propositions, ce qui nécessitait de la préparation, du suivi, de l’écoute, du dialogue, de la disponibilité pour encourager les enfants sans les bloquer. Cette configuration était souvent délicate, parfois périlleuse, puisque le rapport d’un parent vis-à-vis de son enfant n’est pas celui d’un enseignant. Parallèlement, pendant les deux mois du confinement, certains parents ont eu un deuxième défi à relever, celui de poursuivre leur travail, dans des conditions extrêmement chaotiques et désastreuses (de manière hachée, mal installés, avec le bruit de leurs enfants, l’impossibilité de se concentrer sauf la nuit pendant que les enfants dormaient…). Cette double charge a été épuisante, culpabilisante (il était impossible de bien accomplir ce double rôle), donc très douloureuse.

Un véritable casse-tête, une frustration permanente, un épuisement

Pour la grande majorité des familles, l’annonce de la fin du confinement, le 11 mai 2020, avec la perspective de réouverture des écoles et de retour progressif à l’école, a été un soulagement immense, une lumière au bout du tunnel. Malheureusement, la joie s’est progressivement transformée en déception, en incompréhension et aujourd’hui en colère. Alors que notre énergie devrait être tournée vers la reprise de nos activités professionnelles respectives, elle est dépensée dans la recherche d’explications et de solutions, face à la non reprise de l’école.

La veille de la date «d’ouverture» des écoles, les directrices et directeurs d’établissements ont reçu un protocole sanitaire extrêmement rigoureux, contraignant les écoles à restreindre fortement l’accueil des enfants. Dans certaines écoles primaires parisiennes où la majorité des parents veulent que leurs enfants retournent à l’école, en dehors des quelques enfants prioritaires autorisés à venir tous les jours à l’école, les enfants ont comme seule et unique proposition de venir une seule fois quelques jours à l’école avant les vacances d’été : deux jours le plus souvent, quatre jours pour les plus chanceux. C’est-à-dire juste le temps de venir dire au revoir à leurs enseignantes et enseignants avec qui le contact réel a été brutalement coupé le 13 mars 2020.

De leur côté, les enseignantes et enseignants doivent assurer en alternance l’enseignement distanciel pour la majorité de leurs élèves et l’enseignement présentiel pour une minorité d’élèves en rotation irrégulière. Pour ces derniers, ils doivent passer la majorité du temps à expliquer et vérifier les gestes barrière au détriment de l’enseignement réel : il leur est donc impossible de remplir correctement leur mission, d’exercer leur métier comme ils le devraient, c’est-à-dire de mettre en place un enseignement de qualité en présence de leurs élèves. Là encore, c’est un véritable casse-tête, une frustration permanente, un épuisement.

Des arbitrages à contrecœur

D’après les déclarations faites par le ministre de l’Education nationale le 29 mai 2020, le protocole sanitaire restera inchangé jusqu’à la fin du mois de juin. Cela signifie que la reprise de l’école n’aura pas vraiment lieu pour les enfants non prioritaires et que la situation des parents restera inchangée elle aussi. Pourtant le travail des parents est censé reprendre : les employeurs demandent le retour physique au travail de leurs salariés ou le travail à temps complet pour les salariés qui télétravaillent, les parents qui travaillent à leur compte doivent poursuivre leur activité (ou la reprendre s’ils ont été contraints de l’arrêter pendant le confinement). Le 30 juin 2020, si les écoles sont restées fermées trois mois et demi pour la majorité des enfants, comment feront les parents pour compenser trois mois et demi de ralentissement économique (ou d’arrêt) de leurs professions respectives ?

Avec le protocole sanitaire actuellement imposé en milieu scolaire, pour pouvoir laisser quelques places aux enfants de toutes les familles, il faut soustraire des jours d’école à des enfants de familles en grande difficulté économique et sociale. Tous les enfants en décrochage scolaire, de plus en plus nombreux, ne peuvent pas être accueillis. C’est un tiraillement pour les enseignantes et enseignants qui doivent faire des arbitrages à contrecœur. Par conséquent, la situation actuelle de fermeture ou quasi-fermeture des écoles à la grande majorité des enfants va générer une spirale néfaste du fait des pertes d’emplois des parents ou de l’impossibilité pour les parents de travailler.

De plus en plus d’enfants seront victimes de dégâts psychologiques à force de tourner en rond et de rester devant des écrans à longueur de journée. De plus en plus d’enfants seront victimes de décrochage scolaire. Dans les familles les plus modestes, de plus en plus d’enfants seront victimes de malnutrition, voire de sous-nutrition. Et les enfants prioritaires ne peuvent pas non plus bénéficier d’un enseignement de qualité. Pourquoi laissez-vous perdurer cette situation inacceptable ? En plus de l’assouplissement du protocole sanitaire, n’y a-t-il pas des solutions faciles à mettre en œuvre : faire déjeuner les enfants chez eux pour les familles qui le peuvent, transférer les agents de ménage des piscines vers les écoles, etc. ?

A lire aussi: «Cher journal, j’ai l’impression de vivre un éternel dimanche»

Les parents sont consternés par les contradictions des mesures déployées dans la phase 2 du «déconfinement». Jonglant entre leur activité professionnelle et la garde de leurs enfants, nombreux sont au bord de l’implosion, du «burn-out». Les enfants comprennent beaucoup de choses, mais comment leur expliquer qu’il ne leur est pas demandé de respecter les mêmes règles de distanciation physique à l’intérieur de l’école (quatre mètres carrés par enfant) et à l’extérieur de l’école (parce que c’est matériellement impossible, par exemple dans les solutions de gardes partagées dans les petits appartements) ? Comment leur expliquer cette situation alors même que les parcs et les piscines sont en cours de réouverture ? De cette manière, croyez-vous que les enfants vont continuer à accorder du crédit aux règles de l’école ou à celles de leurs parents selon le point de vue qu’ils choisiront ?
L’enseignement distanciel a été une solution de court terme pendant le confinement mais ne peut en aucun cas se prolonger car enseigner est un métier qui suppose une formation et des compétences spécifiques. L’enseignement présentiel est incontournable pour les enfants, ainsi que la socialisation qui va de pair. L’enseignement distanciel génère une coupure du monde réel, une bulle virtuelle et un temps important passé devant les écrans dont toutes les études disent, qu’à trop forte dose, il est nocif pour la santé des enfants.

Nous attendons impatiemment vos réponses et un assouplissement immédiat du protocole sanitaire dans les écoles pour permettre le vrai retour à l’école de tous les enfants tous les jours. Il en va de la santé psychologique des enfants et des parents, de la survie économique de nombreuses entreprises, de la survie.

Signataires : Béatrice Audebert, Simon de Beco, Valérie Bernard-Brunel, Sophie Biri Julien, Virginie Bordeaux, Patrice Bousquet, Amandine Caby, Rémi Cheymol, Caroline Coutant, Valentine Deltombe, Thomas Dewynter, Hélène Donnio, Alexis Dumay, Aude Evin, Vincent Floquet, Pierre-Olivier François, Delphine Glauda-Palau, Florence Guennec, Fatna Jarari, Camille Le Bris du Rest, Stéfen Le Bris du Rest, Hélène Malnoury, Antoine Martin, Vincent Martin, Céline Milliat, Hosam Muhsen, Alice Pavlowsky, Hélène Perenet, Pedro Perera, Cécile Peyrachon, Rémi Rosenberg, Souhila Skakni, Lucia Sopelsa, Magali Vannier, Sara Vignali. 

Un collectif de parents d'élèves de Paris et Lyon

Tag(s) : #Education
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