Absent du débat des élections présidentielles, la protection de la nature, et en particulier la création d'aires protégées, suscite pourtant une forte adhésion des Français. C'est ce qui ressort d'un sondage commandé par huit associations naturalistes.
Les questions d'environnement étaient déjà largement absentes de la campagne des présidentielles. La guerre en Ukraine rend encore plus inaudibles les avertissements des spécialistes en la matière, le volet énergétique mis à part. Pourtant, les résultats d'un sondage dévoilés le 2 mars montrent de fortes attentes des Français en la matière. Commandé par huit associations de protection de l'environnement (FNE, Humanité et biodiversité, SNPN, OPIE, SFDE, LPO, SHF, Aspas), cette étude a été réalisée par l'Ifop les 18 et 19 janvier 2022 sur un échantillon de 1 003 personnes représentatives de la population française, âgées de 18 ans et plus.
Les dix questions posées font ressortir l'adhésion d'une grande majorité de compatriotes aux mesures de protection de l'environnement, qu'il s'agisse d'interdire les pesticides les plus dangereux (81 % d'approbation), de mieux prendre en compte la préservation de la faune et de la flore dans l'implantation d'infrastructures de transport et d'énergie (82 %), d'interdire la chasse des espèces menacées (75 %) ou de protéger les grands prédateurs (75 %).
Mais la mesure qui réunit le plus de suffrages (90 %) est celle d'une augmentation importante des espaces naturels protégés tels que les réserves naturelles. « Cela tombe bien, puisque cela correspond aux engagements de la France », se félicite Rémi Luglia, président de la Société nationale de protection de la nature (SNPN). En janvier 2021, l'exécutif a en effet publié une stratégie visant à protéger 30 % des espaces terrestres et marins d'ici 2022, dont 10 % sous protection forte. Le 11 février dernier à l'occasion du One Ocean Summit, Emmanuel Macron a fièrement annoncé l'atteinte de l'objectif des 30 %, dont 4 % sous protection forte, grâce à l'extension de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises.
Seulement 1,5 % des espaces sous protection forte en métropole
Les associations plaident pour une hausse des moyens en vue d'atteindre l'objectif de 10 % sous protection forte. « Actuellement, en France métropolitaine, seulement 1,5 % des espaces terrestres et 0,44 % des espaces maritimes relèvent d'une telle protection », pointe de son côté Rémi Luglia.
Il faut aussi savoir ce que l'on place sous le statut de « protection forte ». Pour atteindre les 10 %, le gouvernement peut être tenté d'élargir la définition en y faisant rentrer d'autres espaces que les cœurs de parcs nationaux, les réserves naturelles et les arrêtés de protection de biotope, « y compris sans règlementation, sans police de la nature et sans moyens », dénonce la LPO. Et ce, alors que les zones les plus protégées n'apportent déjà pas toutes les garanties, comme le montre la pollution de l'étang du Vaccarès par les pesticides dans la réserve nationale de Camargue. Le nombre de commentaires sur le projet de décret visant à définir ce qu'est une protection forte, que le ministère de la Transition écologique a mis en consultation en janvier, met ce risque en lumière. « On flirte avec les parcs naturels régionaux », dénonce Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO.
Forte adhésion dans les communes rurales
En termes géographique, on note par ailleurs une adhésion particulièrement forte dans les communes rurales (94 %). Ce qui n'étonne pas la LPO, qui rappelle que 70 % des chasseurs sont des citadins. Et ce qui corrobore l'aveu fait par Thierry Coste, lobbyiste de la Fédération nationale des chasseurs (FNC) au journal La Croix. « L'idée que défendre la chasse revient à défendre la ruralité dans son ensemble est une assimilation fallacieuse mais que nous avons réussi à installer », se félicitait M. Coste auprès du quotidien.
Mais les zones urbaines ne sont pas pour autant en reste, 91 % des habitants de banlieue se disant favorables au renforcement des zones protégées. « Il s'agit d'espaces aussi utiles aux humains, en particulier les catégories défavorisées », plaide Rémi Luglia, qui insiste par ailleurs sur la nécessaire mobilisation des citoyens pour créer des réserves volontaires.
Reste à convaincre les candidats à la présidentielle de la nécessité d'investir cette thématique. Les associations vont leur adresser ces mêmes questions et rendront publiques les réponses et engagements reçus. Pour l'heure, « les programmes en matière d'environnement et de biodiversité sont effrayants par rapport à la sensibilité des Français pour ces causes », n'hésite pas à dénoncer Allain-Bougrain-Dubourg.
Laurent Radisson, journaliste
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