Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

  • Paul Mifsud lors d’une conférence au collège des Trois vallées. Photo archives DDM, Z. G.
Publié le 
Écouter cet article
PoweredbyETX Studio
00:00/02:44
Saint-Martory - Salies du Salat - Paul Mifsud, résistant : le prix de la liberté

l'essentielSi le tourisme apporte son lot de randonneurs dans les Pyrénées, en 1943 en hiver, le passage des cols n’était pas "une rigolade mais un cauchemar."

Le vendredi 17 mars 2023, a eu lieu en l’église de Saint-Martory l’enterrement de Paul Mifsud, résistant et évadé de la guerre de 40. Paul est né le 18 mai 1925 à Saint-Martory. Acquis à la cause de la France Libre, il s’évade de France par le Val d’Aran fin 1943, à l’âge de 18 ans, et rejoint les troupes du Général de Gaulle en Afrique du Nord. Il participe alors aux trois conflits dans lesquels était engagée l’armée française : la deuxième guerre mondiale, l’Algérie (prémisse de la guerre à Sétif) et l’Indochine. Durant 47 ans dans la gendarmerie nationale, il parcourt de nombreux territoires : Indochine, Guyane, Tchad, la Réunion et Tahiti. Il était détenteur de 16 médailles, dont la Légion d’honneur, la médaille militaire et de jeune évadé.

Lors de sa retraite, domicilié à Salies-du-Salat, Paul Mifsud accompagnait d’autres grandes figures de la Résistance comme Jean Baqué, lors de conférences pédagogiques. Devant les collégiens salisiens il fera le récit de son évasion, rapporté par son ami Patrick Gaston : "nous sommes en 1943, Paul ne peut pas attendre. Il a pris sa décision : il passera en Espagne pour rejoindre les Forces françaises libres en Afrique du Nord. Saint-Martory est un lieu de passage important des évadés de France. Un passeur de Fronsac, Louis Bordes, lui dit simplement : "Quand tu voudras, pour toi et tes copains c’est gratuit". Le départ est fixé au 25 octobre 1943. Il part avec un copain Jean Gaubert et rejoint au pied du Pic du Burat, 16 personnes dont deux familles du réseau de résistance du Gers, le réseau Victoire. C’est l’hiver, il fait nuit, le froid est glacial, la tempête de neige forme un mur infranchissable. Finalement, le Pic du Burat (2 155 m) est franchi le 26 octobre. Le lendemain, après avoir pris congé des guides, Paul et Jean achèvent leur descente en direction de Les, petit village espagnol aperçu la veille, dans le Val d’Aran. Le passeur Bordes reconnaît que ce fut le passage le plus difficile qu’il ait réalisé."

De nombreuses associations patriotiques du Comminges avaient tenu à l’accompagner pour son dernier voyage. En tant qu’ancien président de l’amicale des résistants du Comminges, Paul, avec son bureau – dont Mme André Ricaud – avait installé un monument des évadés de France à Marignac, au bas du Pic du Burat, lieu de passage de nombreuses évasions. Un parcours pédagogique de 4 km a été créé en 2022 au-dessus de Marignac qui relate son passage avec ses 17 autres compagnons.

Des témoignages, dont celui de Paul Mifsud expliquant son évasion, sont à retrouver dans le superbe film documentaire réalisé en 2020 par le saint-martoryen Louis Duran : vimeo.com/louisdurran

Z. G.

Paul Mifsud par Mme Guillaumin

Il PETITE BIBLIOTHEQUE N° 34 HISTOIRE "d'un PASSAGE" en 1943

Confidences de M. Paul Mifsud, retraité de la Gendarmerie par M. L. GUILLAUMIN

Il Histoire "d'un passage" en 1943

1 - L'EVASION DE PAUL: LE PASSAGE DE LA FRONTIERE

En pleine occupation, à Saint-Martory, deux jeunes gens, Paul Mifsud, 18 ans et demi, Français d'origine maltaise et Louis Bordages, 21 ans, éprouvent l'ardent désir de prendre une part active à la Résistance ; ils veulent combattre.

Leur camarade Jean Durand, qui a créé dans le village une antenne de "libérer et Fédérer" à la demande de Ch. Suran (de Boulogne-sur-Gesse) et Linzaud (Salies du Salat) sont en contact avec eux.

En août 1943, P. Mifsud prend sa décision: il passera en Espagne pour rejoindre les Forces françaises libres en Afrique du Nord. Il fait la connaissance d'un passeur de Fronsac, Louis Bordes, "Blanchard", qui lui dit simplement: "Quand tu voudras".

Un autre jeune de Saint-Martory, Jean Gaubert, est prêt au départ lui aussi. Le père de Paul s'en trouve rassuré : son fils ne sera pas seul. Ce modeste cordonnier a accepté la décision du "petit" ... N'a-t-il pas été le premier à écouter la radio de Londres dans le village, sur un poste de radio acheté tout exprès ?

Avec Bordes, le départ est fixé au 25 octobre. Ce dernier travaille avec deux autres guides, et tous les passages qu'il a organisés jusqu'alors ont réussi. Le 21 octobre, c'est l'attente du rendez-vous préparatoire au café Lasserre de SaintMartory, l'un de ces deux guides arrive mais il annonce une nouvelle tragique : les 17 derniers patriotes qu'il conduisait vers l'Espagne ont été arrêtés, lui seul a pu s'échapper!... Violente réaction de Bordes, qu'il faut calmer ... Radouci, il interroge : "Voulez-vous passer quand même ?". La réponse est oui. On apprendra le lendemain la disparition du guide, qui avait eu le tort d'abandonner sa petite troupe avant le franchissement de la frontière.

25 octobre, jour du départ : Paul fait ses adieux à sa famille et quitte son domicile à 17 heures, pour monter avec Félix, l'autre guide, dans l'omnibus qui roule vers Toulouse. Parvenus à Boussens, ils sont rejoints par Jean Gaubert. Tous les trois prennent l'express en direction de Montréjeau. Là, ils retrouvent Bordes comme convenu, et son collaborateur. Tous montent dans le train de Luchon, pour en descendre à Saléchan, où Verdier, chef de gare, qui fait partie de l'organisation, les attend et les accueille avec sympathie. Les deux guides sont là. Il est 17 heures.

D'autres partants arrivent, conduits par Félix qui est allé les chercher à Loures-Barousse : 17 personnes qui veulent franchir la frontière, 3 femmes, 1 fillette de 12 ans, légèrement vêtues, comme en été, 16 hommes dont 2 Rendier, agent du Réseau Hilaire Weelwright.

Une pluie fine a retardé le départ, mais à 1 h du matin, bien qu'elle n'ait pas cessé, le petit groupe se met en marche, en file indienne, guides en tête, traverse le village, longe la voie ferrée en silence puis chemine à travers champs et prés. Tout à coup, la nuit est trouée par des lumières: "Qui est là ?".Des phares de bicyclette obligent les marcheurs à se dissimuler dans le fossé. Heureusement, sans doute, de paisibles travailleurs regagnant leur logis, ou se rendant à leur tâche !. .. Fausse alerte ... La mitraillette dont Bordes est armé, ou les deux révolvers de ses compagnons, n'auront pas à servir. Arrivés en vue de Marignac, les voyageurs sont avertis par le chef passeur qu'ils doivent être extrêmement prudents, car il leur faut traverser la route, au bout du village, devant un poste de garde allemand. Grande émotion... mais les deux guides qui sont allés en reconnaissance donnent au retour le feu vert pour passer. Ouf !

Alors s'engage la montée dans la forêt, en direction du Burat (2154 m).La pente est raide, la marche difficile. Il est bon de s'éloigner le plus possible de la route... Vient le temps du repos: un petit quart d'heure. La troupe, mouillée et silencieuse, reprend dans la nuit sa progression cahotique ; lorsque le jour commence à poindre, un rapide casse-croûte apporte à chacun quelque réconfort, tandis qu'une petite éclaircie permet aux voyageurs d'entrevoir le sommet du Burat, blanc de neige. Mais ce spectacle étonnant, s'il ravit les marcheurs, n'attendrit pas les passeurs qui, eux, restent soucieux et pressés. Avec l'altitude, la pluie et le vent se renforcent, et bientôt, les flocons de neige font leur apparition. La tempête gêne l'ascension, le froid se fait plus pénétrant, la fatigue atteint même les plus résistants. Une courte halte permet à l'un des fugitifs d'encourager les autres en entonnant des chants antinazis qu'il a composés lui-même !

En fin de matinée, les pieds s'enfoncent dans une couverture blanche de 50 cm, tandis que rafales et chutes de !J.eige redoublent de violence. Un premier sommet sera franchi, mais il faut encore en escalader deux autres pour atteindre la frontière ... La visibilité n'excède pas 2 à 3 mètres. Les visages s' ornent maintenant de glaçons ! Là-bas, au loin, dans un ravin, apparaît une petite cabane toute blanche de neige. "Elle sert de refuge aux Allemands lorsqu'ils effectuent des patrouilles en montagne" remarque le guide. Il annonce que l'ascension du dernier sommet conduira les fugitifs à la frontière ... mais quelle déception lorsqu'on y arrive. Paul et Jean en tête! Il reste encore beaucoup de trajet à parcourir sur la crête des hautes cimes.

Les guides hésitent un peu sur le chemin à suivre. La démoralisation et l'inquiétude gagnent les malheureux voyageurs. L'adolescente, qui jusquelà, a fait preuve de beaucoup de volonté et de courage, s'écroule dans la neige, glacée et exténuée de fatigue. Un médecin se trouve heureusement dans le groupe. Il s'emploie à la ranimer et sort de son sac une culotte de ski qu'il lui passe pour la protéger du froid. Après une demi-heure de halte, la marche reprend son cours, l'un des guides portant la jeune fille dans ses bras, Paul et Jean en tête pour tracer le chemin.

Puis, à son tour, la mère de la petite ne peut plus avancer. Ses pieds gonflés ne supportent plus ses chaussures ; elle les quitte et ne peut plus les remettre. Mais la neige "brûle" les bas de soie qu'elle porte ; il faut les enlever aussi. La couche de neige atteint maintenant un mètre ; c'est dire combien l'ascension est difficile, l'espoir mince ! Jean pourtant ne se décourage pas. Il atteint le premier, le plus élevé des pics: le Burat. Les autres l'y rejoignent. Et la descente commence, à son tour, particulièrement périlleuse.

Nouvel incident: la mère de la jeune fille s'effondre, épuisée. Quatre hommes, dont Paul, Jean et son mari restent auprès d'elle, tandis que les autres poursuivent leur route, pensant être rejoints sans tarder. Dans un souffle, la pauvre femme implore : "Ce n'est plus la peine que vous vous occupiez de moi, je n'en peux plus, laissez-moi là et partez !". Il n'en est pas question ! Au bout d'une vingtaine de minutes, tous reprennent le départ, la femme soutenue, presque traînée par les hommes, à demi-évanouie. Peu à peu, elle reprendra quelques forces. Mais comment retrouver les autres? Anxieux, le petit groupe accélère la marche. Une heure s'écoule ... Tout à coup, des voix se font entendre ... "Ils" sont là, mais comme figés, pâ1es, découragés ... La situation paraît désespérée. Le guide révèle qu'un amoncellement de rochers glissants ferme le passage ! Et le mauvais temps sévit toujours.

Que faire ? Que tenter? L'un des hommes se décide à explorer plus avant les lieux. Il réussit à se faufiler entre les blocs, et entraîne les autres dans son sillage. En bas : le précipice. Le danger de mort est présent à chaque pas, le moindre mouvement maladroit peut être fatal ! Puis, une difficulté encore plus grande surgit: il faut accéder au fond d'une profonde excavation, par une paroi effroyable de verticalité, pratiquement sans prises... à peine quelques aspérités rocheuses, touffes d'herbes, ou glaçons, auxquels se retenir. Le chef-guide ouvre la voie. Tous le suivent prudemment, les hommes aidant les femmes à accomplir ce périlleux exercice. Tout à coup, Jean dévale la pente. Mort de peur, Paul crie à ses compagnons de l'arrêter. Par bonheur, son sac s'est accroché à un petit saillant rocheux. Il est sauvé. Maintenant, Paul et Jean se sentent plus proches l'un de l'autre, plus solidaires, plus amis encore. Enfin le bout du tunnel !

A l'avant, le guide annonce que la vallée est proche ; il a entendu des voix qui en montent. Un pâle sourire d'espoir éclaire le visage blême des voyageurs harassés. Un suprême effort s'impose pour achever la périlleuse descente. Paul et Jean sont parmi les premiers, mais il y a des retardataires. Le mari de la femme nu-pieds se demande où se trouvent son épouse et sa fille. Aucun bruit dans la montagne. La neige cesse de tomber. Il est 15 heures.

Les deux jeunes évadés décident d'atteindre au plus vite le village qui est en vue: BAUSEN probablement. Heureux, surpris de toucher sains et saufs au terme de l'incroyable expédition, ils font d'abord une courte halte dans les bois, pour se restaurer un 4 peu. "Nous reverwns de loin" constate Paul. Une profonde émotion les étreint. Mais que sont devenus les autres? Au hasard, les deux jeunes gens prennent un chemin qui les conduit à deux cabanes de berger à moitié en ruines. Un peu de fumée s'échappe de l'un des toits. Le feu a bien été allumé, comme Paul et Jean l'avaient supposé, par quelques-uns de leurs compagnons parvenus jusque-là. L'un d'eux, qui guette leur arrivée, leur lance un appel : "Ohé, venez vite vous réchauffer". Une course folle les amène vite à la cabane où une douce chaleur les réchauffe et sèche un peu leurs vêtements trempés. Le groupe n'est pas au complet. Où sont les derniers ? Il est 16 heures, le temps passe, personne n'arrive! Chacun sort à son tour pour scruter l'horizon. La frayeur, l'inquiétude gagnent les hommes rassemblés. Leur chef se décide à partir en reconnaissance, avec deux ou trois volontaires. Peu après, des voix se font entendre et des silhouettes apparaissent dans le haut de la vallée. De longues minutes d'attente s'écoulent, puis des paroles rassurantes retentissent : "Nous arrivons au complet".

Enfin, tous se trouvent réunis autour d'un bon feu, à bout de forces, mais le cœur rempli de joie. Sàns se connaître, ils échangent des propos amicaux, racontent les péripéties qu'ils viennent de vivre, se sèchent, se restaurent. Il ne leur reste plus ensuite qu'à s'étendre dans le foin et à se laisser gagner par un profond sommeil en rêvant d'un monde d'où le nazisme sera totalement extirpé. Ces êtres sont maintenant des Français libres, dans un pays en apparence neutre, mais en réalité plein d'embûches. et de traquenards pour des évadés en quête d'espoir et de certitudes!

Qui étaient ces compagnons de route de Paul ? Quel fut leur sort ? Il en retrouvera certains plus tard ...

II - VERS LES F.F.L. :

de la frontière franco-espagnole au départ pour CASABLANCA. 27 octobre. Le lendemain, après avoir pris congé des guides, Paul et Jean achèvent leur descentè en direction de LES, petit village espagnol aperçu la veille, dans le V AL d' ARAN. Au poste de douane, ils sont minutieusement fouillés et dépouillés de tout ce qu'ils possèdent : couteaux, rasoirs, photos, argent, sauf du linge. Paul a pu tendre subrepticement son portefeuille à Jean, passé le premier au contrôle. Il assure ne pas avoir de papier et d'être de nationalité britannique. Puis ils subissent tout à tour un interrogatoire serré, après quoi ils sont conduits dans un hôtel confortable, où un repas copieux leur est servi. Ils peuvent ensuite se promener assez librement dans le village.

Jeudi 28 octobre: départ pour VIELLA. Le lendemain, les deux jeunes gens et leurs compagnons gagnent Viella par l'autocar. Deux heures de route pour couvrir une distance de 21 km. Là, nouvelle fouille, nouvel interrogatoire, nouvelle liberté provisoire. L'hôtel ANTONIO SERRADO où ils sont en pension héberge aussi d'autres arrivants.

5 Durant leur séjour à VIELLA, Paul et Jean sympathisent avec deux des 17 évadés ayant franchi les Pyrénées avec eux : MOUGIN, lieutenant interprète, et CARTOUZOU (nom de guerre: COUSIN) d'origine maltaise comme Paul, diamantaire à Paris. Jeudi 4 novembre: une bonne surprise attend Paul et Jean à l'arrivée de l'autocar de LES : deux jeunes amis de Saint-Martory en descendent : Louis BORDAGES, et Louis BINACUA, qui eux aussi, désirent rejoindre les F.F.L. Samedi 6 novembre: 14 heures. Un long voyage de 5 heures en camion conduit les évadés à Sort, en Aragon. Là, comme à chaque arrêt, ils subissent fouille et interrogatoire.

Dans cette petite ville animée par la foire mensuelle, comme il est difficile de trouver un hôtel ! Les jeunes gens passeront trois jours à visiter les lieux. Mardi 9 novembre : une voiture de police les prend alors ensuite en charge pour les emmener à LERIDA: quatre heures de route. De 14 h à 18 h 30, ils restent enfermés à la Préfecture, sans manger. Chacun d'entre eux est interrogé à part, avec insistance, et l'on procède à la prise de leurs empreintes digitales. Ici, les jeunes évadés aprennent que les arrivants de 20 à 40 ans sont systématiquement internés. Or, Paul et Jean ne possèdent plus aucun papier. Paul ne peut prouver qu'il a 18 ans et demi. Jean, qui en a 21, tente d'affirmer qu'il en a 19 ... mais en vain ! Tous deux seront emprisonnés au "SEMINARIO VIEGO" de Lerida. Les deux Louis, eux, restent libres, puisqu'ils sont âges de 19 ans et peuvent en donner la preuve. Dans quelles conditions va se dérouler l'existence des deux détenus au SEMINARIO VIEGO? D'abord, on leur coupe les cheveux à ras. Pour tout couvert, ils disposeront d'une boîte de conserve rouillée, sans cuillère ni fourchette. Pour tout repas, ils auront des choux non nettoyés, agrémentés de moucherons et de petites la;ves, une fois même d'une punaise.

Au bout de quelques jours, la découverte de quelques cuillères en bois permet un petit progrès pour s'alimenter! La chambre à coucher est une immense pièce pleine de poussière et tapissée de punaises. Le sol est en pierre, il y fait très froid. Les murs portent la trace des répugnants insectes qui ont été écrasés sur eux. De vieilles paillasses toutes noires de crasse servent de matelas.

Quant aux journées de détention, elles se déroulent selon un emploi du temps immuable : - 6 h : réveil et lever au son du clairon - 6 h 30: observance d'un irritant cérémonial franquiste, pour avoir droit à un breuvage infect qui a le seul avantage d'être chaud. Mise en rang des prisonniers, en silence: le clairon joue l'hymne national ... Les détenus politiques espagnols doivent répondre par un salut, bras 6 tendu à l'hitlérienne, puis répéter les acclamations du chef de prison, qui, trois fois, crie : "ARIBA ESPAGNA, VIVA. FRANCO".

Les Français, eux, sont tenus de se découvrir.

- 7 h : fin de la toilette - 11 h : repas composé de choux, larves, moucherons ... - 16 h-17 h: sortie dans la cour de la prison - 17 h: soupe. Puis vient la fermeture des portes. La nuit s'écoulera, toutes lumières allumées, ponctuée par les appels des gardiens qui retentissent chaque quart d'heure : "Alerta a la uno, Alerta a la dos" etc ...

Comment dormir dans ces conditions ? Dans ces lieux immondes, la visite des camarades de Saint-Martory restés en liberté apporte quotidiennement à Paul et à Jean une bouffée d'oxygène. Ils parlent un quart d'heure ensemble, à travers deux rangées de barreaux, étroitement surveillés par les gardiens de service. CARTOUZOU, qui n'a été détenu que pendant 4 ou 5 jours, en profite pour faire parvenir à ses amis un miraculeux sandwich. Mais Paul, de nationalité anglaise d'origine, a eu l'idée d'écrire au consulat britannique de Barcelone, pour lui demander d'intervenir en faveur de sa libération, étant donné son âge.

Le 27 novembre, il apprend avec un vif plaisir, par CARTOUZOU, que la démarche a porté ses fruits. Lundi 29 novembre : après 20 jours de souffrances physiques et morales accumulées, Paul est libéré! Le délégué britannique de Lerida est là pour l'accueillir, avec un autre Anglais. Il éprouve beaucoup de joie en quittant cet enfer, mais aussi beaucoup de peine en se séparant de Jean et de MOUGIN. Comment croire à cette liberté soudainement retrouvée? Il croit rêver? C'est un véritable retour à la vie ! Dans LERIDA, il fait d'incroyables rencontres : les femmes, leurs maris et la jeune fille qui avaient franchi la frontière en même temps que lui sont là : puis Cartouzou et Loulou BORDAGES, le bon camarade de Saint-Martory, retrouvés aussi ! Comme on s'embrasse fraternellement ! L'ambassade a prévu l'hébergement de Paul à l'hôtel INTERNATION. Quel contraste avec la prison ! Quel étonnement devant le luxe du couvert, de la chambre, le confort du lit ! Mais l'annonce du départ, à 5 heures le lendemain, pour Barcelone, ne lui permet pas de dire au revoir à ses camarades, et il en est tout attristé.

Mardi 30 novembre: c'est par le train qu'il gagne Barcelone. Dans le convoi, Paul a la surprise de retrouver encore ses compagnons du franchissement de la frontière : les deux couples et la jeune fille, tous se réclamant de nationalité anglaise pour la circonstance. A l'arrivée, ils sont accueillis par le délégué britannique et conduits au consulat, où ils sont reçus avec beaucoup d'égards. 7 Habillé de neuf, hébergé dans un hôtel tout confort, l'hôtel SABOYA - 49 via LA YETANA - argent de poche assuré (2 pesetas par semaine), Paul passe son temps à visiter la magnifique ville de Barcelone ... où il rencontre un "pays", MARFANI de Cazères ... Mais l'impatience le gagne. Il demande au Consulat de lui permettre de rejoindre au plus vite les forces alliées, par n'importe quel moyen !

Lundi 20 décembre : enfin, il est convoqué le matin du 20 décembre, et apprend qu'il peut partir le lendemain pour Lisbonne, mais sans bagages, en abandonnant toutes ses affaires ... Et il y a des risques à courir ! Tant pis ! Paul n'hésite pas. Mardi 21 décembre : il est présent à 9 heures au lieu du rendez-vous. Du Consulat, où on lui remet une somme de vingt pesetas pour parer à toute éventualité, car tous les frais seront payés par le guide, il est conduit, avec deux Belges, dans une maison particulière où il reçoit de son hôte des instructions précises pour le voyage. De faux-papiers (un salvoconducto : sauf conduit, et une cedula) lui sont également remis. Comme l'un des Belges est jugé trop blond pour paraître espagnol, une femme, qui est là, exprès, va teindre ses cheveux en noir. Lorsque tout est en règle, les trois passagers sont pris en charge par le guide et conduits à la gare de Barcelone où ils montent séparément dans différents wagons du train qui va vers Lerida. Le voyage a lieu sans incidents. A l'arrivée, un taxi est là qui attend les trois hommes pour les emmener d'abord à ZARAGOZA (Sarragosse). Il est 20 heures.

Mercredi 22 décembre: après 5 heures de trajet, une halte a lieu à Sarragosse, chez un particulier où repas et sommeil sont assurés. Puis le taxi reprend sa route jusqu'à LOGRONO où il dépose, à 19 h, les trois voyageurs dans un hôtel d'où ils repartiront à 22 h 30, dans une nouvelle voiture, pour gagner VENT A DE BANOS, et de là, par le train, la frontière et le Portugal. Jeudi 23 décembre: dans cette petite localité de VENTA DE BANOS, où les trois compagnons sont arrivés à 3 h du matin, un fait grave va se produire. Le train à destination de la frontière a du retard. Tout à coup, Paul croit constater que l'un de ses compagnons belges n'est plus sur le quai, alors que les deux hommes se trouvaient à quelques mètres l'un de l'autre quelques minutes auparavant. Il fait quelques pas dans la direction où il était, mais quelqu'un s'avance vers lui et dit: "Donde va usted ?" (Où allezvous ?). Surpris, Paul répond, en lisant sur un écriteau : "SANTANDER". L'homme réplique aussitôt: "Usted es extrangero ,"(Vous êtes étranger?), puis se dévoile: "Policier" dit-il en retournant le col de son manteau. 8 Paul est amené au commissariat, où il retrouve son camarade belge, comprenant que c'est en allant dans sa direction qu'il a éveillé les soupçons. Tous deux sont fouillés, assaillis de questions. Ils donnent leur faux nom. CUTA Y AR Paul est celui de Paul. A 5 h 30, on les enferme dans une cellule infecte, toute noire, au fond d'une cave de la gare. Les rats y grouillent, l'odeur qui y règne est insupportable. Trois Espagnols internés là depuis la veille, enfermés sans recours, ont dû satisfaire sur place leurs besoins naturels ... Jusqu'à 16 h, aucune nourriture n'est apportée. A 18 h 30, les jeunes gens sont extirpés de leur trou, menottes aux mains, et conduits à la gare, pour être acheminés vers la prison de PAIBNCIA, où "d'agréables cellules" les attendent, leur dit-on.

A PALENCIA, ils subissent un interrogatoire très serré, au commissariat, puis sont enfermés à 19 h dans un local glacial, avec le ciment pour couche, et leurs seuls vêtements pour couverture. A 23 h, nouvel interrogatoire, puis retour dans la cellule. Vendredi 24 décembre: matin, veille de Noël. Après avoir passé les menottes aux jeunes évadés, deux policiers, révolver au poing et menaces à la bouche, leur font traverser la ville, sous l' œil amusé des passants. Ils iront prendre une douche, bien appréciée du reste, dans une maison particulière. De retour au commissariat, ils prennent congé de l'administration, et sont dirigés sur le "PRISON PROVINCIAL" de Palencia. Hélas, Paul va renouer avec sa triste existence de détenu ! 24 décembre : Prison Provincial de Palencia - 23 jours d'internement pour Paul. A l'arrivée, les mêmes procédés sont appliqués : interrogatoires, prise d'empreintes digitales. Paul donne toujours son faux nom : CUT A YAR. Il se déclare anglais, et comme il ne parle pas la langue, explique qu'il a été amené en France un an après sa naissance à Malte (île britannique de la Méditerranée). Il échappe à la tonsure à ras de ses cheveux, encore bien courts, mais se retrouve une fois de plus en cellule, 3 m2 de surface, toute petite ouverture pour l'aération, petit trou dans la porte pour parler au gardien, si cela est nécessaire.

C'est dans ce cadre inhumain que s'écoulèrent pour lui le jour de Noël, le 1er de l' An, le jour de Rois si fêté en Espagne. Au total, 23 jours de détention dans un local où règne un froid glacial, où tout est sale : la paille, les couvertures, les murs. L'ordinaire ne varie pas : le matin et le soir : riz ... toujours ! Chaque jour apporte une promenade d'une heure ou deux dans le patio de la prison, et le régime déjà subi à Lerida, les mêmes mites franquistes.

Un jour, deux prisonniers politiques espagnols révèlent à Paul que, récemment, deux internés anglais qui avaient tenté de fuir, ont été tués, et que le consulat britannique a protesté énergiquement contre cet acte de violence. Comment donc sortir de là? Paul s'adresse encore à l' Ambassade, écrit plusieurs fois pour expliquer son cas.

Le 15 janvier, alors qu'il est terrassé par une crise de rhumatisme au 9 genou, l'un des "politiques" espagnols lui glisse à l'oreille, dans le local du coiffeur où il a été amené pour y être rasé, ces incroyables et réconfortantes paroles : "Je crois que vous allez être libéré aujourd'hui ou demain, car l'ambassade britannique vous réclame à Madrid". Paul, bouleversé et fou de joie, oublie sa douleur physique et attend en silence sa libération. Elle arrive, en effet: le soir même, à 19 h, il apprend officiellement qu'on viendra le chercher dans quelques heures. Dimanche 16 janvier 1944 : à 2 h du matin, deux officiers se présentent aimablement pour le quérir et lui souhaitent bonne chance. Au revoir l'ami belge! Paul lui promet de s'occuper de lui dès qu'il sera à Madrid. Cette fois, il est libre, sans menottes. A ses côtés, dans le train, deux prisonniers politiques espagnols accompagnés par deux gendarmes agréables. En passant à VENTA DE BANOS, un frisson lui parcourt le corps, au souvenir de son arrestation du 23 décembre. De séduisantes contrées défilent sous ses yeux: L'ESCORIAL attire particulièrement son attention.

Puis, c'est la découverte de Madrid à 14 h. Les gendarmes, après avoir amené les deux hommes à la prison, conduisent Paul à l'ambassade. Quelle réception fastueuse ! Rien ne manque : repas copieux, fruits à profusion servis en corbeille dans une grande et magnifique salle de jeux, où Paul rencontre cinq charmants Anglais, prisonniers de guerre récemment évadés d'Allemagne; puis, le fi.ve o'clock avec thé, café, lait, beurre, confiture et friandises diverses, cigarettes à volonté aussi: c'est vraiment trop pour un homme qui vient de sortir des geôles franquistes et qui s'est vu infliger les plus sévères privations! Le soir, une somme d'argent lui est remise, et c'est dans un hôtel de luxe qu'il est hébergé : chambre tout confort, avec sonnette pour le service, téléphone, chauffage central, et calme assuré (Hôtel MORA - Pasco del Prado-32).

Sêjour à Madrid du 16 janvier au 18 fêvrier : Pendant près d'un mois, Paul vit des jours tranquilles, selon un emploi du temps de touriste aisé : - long sommeil, jusqu'à 10 h, 11 h ou midi. - petit déjeuner demandé par téléphone. - promenade dans Madrid, avant le repas. - déjeuner à 14 h avec menu commandé à un maître d'hôtel en habit, très cérémonieux. Chaque jour, possibilité d'avoir une bouteille de vin de qualité, rouge ou blanc: vino blanco o negro. - l'après-midi, visite de Madrid, de ses curiosités, de ses richesses artistiques, en particulier du merveilleux PRADO. - parfois, séance de cinéma pour finir la soirée, car Paul commence à comprendre l'espagnol. 10 - le soir, dîner avec mets de choix, souvent un excellent riz à l'espagnole (Paella). Mais Paul n'a pas oublié son camarade belge: il a entrepris pour lui des démarches qui portent assez rapidement leurs fruits : il est à son tour libéré. Cette vie douce et tranquille finit par peser au jeune évadé.

A quand l'entrée dans les rangs de la Résistance ? A quand le combat ? Il se rend au Consulat deux à trois fois par semaine pour réclamer son passeport et rejoindre Londres. Comme rien ne vient, il se présente à la Mission française pour demander son départ en Afrique du Nord par le prochain convoi : la proposition est acceptée. Paul s'en réjouit intensément.

Vendredi 18 février 1944 : Paul fait sa valise, se rend à la gare de Medioda, où il rejoint une trentaine de personnes, hommes et femmes, évadés de France, en instance de départ pour l' A.F.N. Il reçoit le ticket du train, les papiers nécessaires pour voyager jusqu'à Gibraltar. A 20 h, le convoi démarre. Paul regrette un peu de quitter cette belle ville de Madrid, mais la perspective de revêtir bientôt un uniforme pour combattre contre les "Boches" lui remplit le cœur de joie. Samedi 19 février : Après une nuit et une matinée de voyage, le petit groupe arrive à ALGESIRAS, au sud del' Andalousie, au début de l'après-midi. Tous passent au contrôle du port et à la douane, puis s'embarquent sur un petit bateau britannique pour atteindre le Rocher. Là, ils sont accueillis sur un paquebot français, "Le Hoggar", mouillé en rade de Gibraltar Tous les jours, il arrive de nouveaux convois d'évadés. Quelle joie pour tous de voir flotter le drapeau de la France libre sur le bâtiment, et de se sentir libres, prêts à servir la Résistance.

Cinq jours d'attente s'écoulent à l'ancrage; on tue le temps dans les salles de jeux ou au piano. ID - DEPART POUR L'AFRIQUE DU NORD

Jeudi 24 février: Le Hoggar va mettre le cap sur Casablanca. Il quitte la rade à 16 h, escorté de trois torpilleurs français ; l'océan est agité, une forte tempête se déclenche. Beaucoup de passagers ont le mal de mer. Paul se félicite d'y échapper, lui qui veut être marin! Il court de l'avant à l'arrière du bateau pour jouir du spectacle dans toute son ampleur.

Vendredi 25 février : Il aura fallu 25 heures de mer pour arriver à Casablanca. Et les résistants ne doivent débarquer que le lendemain matin. Samedi 26 févrièr : A 10 h, se déroule une émouvante réception: ils mettent pied à terre, accueillis par la musique de la flotte, celle des goumiers et des tirailleurs sénégalais, de 1 1 l'armée de l'air et de la terre. La Marseillaise éclate. Tout le monde est au garde à vous; beaucoup avec les larmes aux yeux. Un amiral, accompagné de plusieurs généraux et officiers, prononce un brillant discours de bienvenue, et décerne à tous la médaille des Evadés de France. Ensuite, ils sont amenés dans un centre de triage, à proximité de Casablanca, à Médiouna, où chacun subit un interrogatoire serré, car il y a parfois des traîtres et des espions qui s'infiltrent dans les rangs des évadés. Après avoir cheminé à travers de nombreux bureaux, Paul et ses compagnons se restaurent au réfectoire, servis par des goumiers. Le lendemain, il faut encore répondre à de nombreuses questions ... Enfin, c'est terminé ! Paul, rasséréné, détendu, n'a plus qu'à choisir l'armée dans laquelle il veut combattre: ce sera naturellement la marine.

Dimanche 27 février : Le jeune homme quitte Médiouna avec les autres futurs marins, et arrive au dépôt des équipages de la flotte à Casablanca en fin de soirée. Du 27 février au 24 mars : Libre, et encore civil, il profite de cette situation pour découvrir Casablanca, la ville moderne, ses monuments, ses magnifiques jardins. Le foyer des "Evadés de France" est pour lui un havre accueillant pendant ces quelques semaines. 17 mars : Enfin, il est recruté officiellement, habillé dans un costume qui lui va mal, mais qu'importe! Le convoi dont il fait partie quitte le port de Casablanca le 24 mars, à destination du centre SIROCO-CAP-MATIFOU à 30 km d'Alger, où une formation militaire maritime doit être donnée aux jeunes recrues F.F.L. Il y a maintenant 5 mois que Paul a quitté le petit bourg de Saint-Martory pour être un combattant de la Résistance.

Son rêve se réalise ! La vie ne sépare pas toujours à jamais ceux qu'elle a réunis dans des circonstances exceptionnelles. Plus tard, Paul reverra quelques-uns de ceux avec qui il a franchi les Pyrénées en octobre 1943. D'abord, après la Libération, le lieutenant MOUGIN qui venait de participer à de glorieux combats pour la libération del' Alsace - et CAROUZOU, diamantaire à Paris-. Puis, en 1948, par le plus grand des hasards, il retrouvera à CONDOM (Gers), les époux RENDIER (imprimeur et institutrice), et à MERIGNAC (Gironde) les époux DUFFOIR, commerçants, et leur fille Josette, si courageux lors du difficile franchissement de la frontière. Les deux couples et la petite fille avaient rejoint l'Angleterre. Débarqués en Normandie en 1944, RENDIER et DUFFOIR y avaient travaillé à la minutieuse préparation de 12 la grande opération OVERLORD (cf. Ouvrage du Capitaine RENDIER : "4 ans dans l'ombre"). Tous deux appartenaient au réseau HILAIRE. Quant à Jean, "merveilleux ami" avec qui il avait partagé tant de souffrances et d'inquiétudes, Paul ne devait plus le revoir, il avait été tué à CENTENO (Italie) le 17 juin 1944, dans les rangs de la Légion étrangère.

Paul MIFSUD a tenu un journal de bord pendant tout son périple, de Saint-Martory à Casablanca. Ces quelques pages reproduisent fidèlement ce précieux carnet de route d'un jeune évadé avide de combattre pour la liberté. 13 . ~fon.tr~j;!

Discours lors des obsèques de Paul Mifsud

Mesdames, messieurs, je vais vous présenter ou vous rappeler qui était ce grand serviteur de l’état qu’était notre ami Paul MIFSUD.

 Mme la Présidente de la Légion d’honneur du secteur de Saint-Gaudens, Mme BARTHET, m’ a demandé de la représenter.  (porte-drapeau M. Vincent MONTOYA).

Paul MISUD est né le 18 mai 1925 à Saint-Martory.

Il a participé aux trois derniers conflits dans lesquels était engagée l’armée française : la deuxième guerre mondiale, l’Algérie  et l’Indochine.

Après avoir effectué ses études à Saint-Martory, il choisit à 14 ans de travailler avec son père comme apprenti-cordonnier.

En 1939 c’est la guerre.

En pleine occupation allemande, Paul Mifsud, 18 ans, veut prendre une part active à la Résistance; il veut combattre.

N’écoute-t-il pas la radio de Londres sur un poste radio acheté tout exprès par son père ? D’ailleurs un général inconnu, le Général de Gaulle a lancé un appel le 18 juin 1940, pour poursuivre le combat.

La résistance débute à Saint-Martory, Salies du Salat et Boulogne sur Gesse, et Paul doit être intégré dans le réseau.

--------------------------------------------

Nous sommes en 1943, Paul ne peut pas attendre. Il a pris sa décision : il passera en Espagne pour rejoindre les Forces françaises libres en Afrique du Nord.

Saint-Martory est un lieu de passage important des évadés de France.

Un passeur de Fronsac, Louis Bordes, lui dit simplement : "Quand tu voudras, pour toi et tes copains c’est gratuit".

Le départ est fixé au 25 octobre 1943.

Il part avec un copain Jean Gaubert et rejoint au pied du Pic du Burat, 16 personnes dont deux familles du réseau de résistance du Gers, le réseau Victoire.

C’est l’hiver, il fait nuit le froid est glacial, la tempête de neige forme un mur infranchissable.

Finalement, le Pic du Burat est franchi.  le passeur Bordes reconnait que ce fut le passage le plus difficile qu’il a réalisé.

Enfin après cinq mois de galère en Espagne, et de nombreux rebondissements, Paul arrive en Afrique du Nord.

Il est dirigé vers une unité non-combattante, il refuse, il persuade. Finalement son rêve d’enfant se réalise, il est muté dans une unité combattante de la marine.

Puis c’est la protection du débarquement en Provence en août 1944, des interventions en Italie en février 1945, des interventions contre les premières émeutes en Algérie mai 1945.

------------------------------------------------

En octobre 1945, il est démobilisé et reprend son métier de cordonnier à Saint-Martory.

La gendarmerie de Saint-Martory lui propose un engagement. Il signe.

Personne ne sera déçu.

Un petit séjour dans le Gers, et c’est reparti. La guerre d’Indochine, trois ans, chef de section il se distingue par deux fois au combat par ses prises de décision et son courage.

Puis c’est la Guyane française. Le gendarme « grand sabre » devient très rapidement le broussard, le spécialiste de cette brousse attachante mais sauvage.  Il est donc retenu pour participer à la mission française de délimitation de la frontière Guyane – Brésil.

Durant trois mois, il excelle, il rassure, il devient infirmier.

En 1957, il rencontre une perle, elle s’appelle Mirzette. Il aura trois enfants avec son épouse, Patrick en Guyane, Jean-Paul au Tchad, Christiane à Tahiti.

 Puis sept ans de pénitence dans les Hautes-Pyrénées et à Toulouse, un petit passage remarqué au bureau du personnel à Paris lui permet de partir à l’Ile de la réunion.

Puis c’est la retraite, pas tout à fait, il prend un emploi réservé à la pénitentiaire de Toulouse durant huit ans.

Voilà ce qu’il a fait en 47 ans au service de la Nation.

Si j’oubliais, il est médaillé 16 fois, il a été blessé 3 fois en service commandé, et était pensionné de guerre à 100%.

----------------------------------------------

Il a été également membre actif dans de nombreuses associations patriotiques, et président de l’amicale des résistants du Comminges.

Dans cette fonction, il a installé avec  Mme André RICAUD un monument des évadés de France à Marignac.

Le président des chemins de la liberté, Jacques SIMON a reconnu par deux fois, ses grandes qualités, en installant une plaque Paul Mifsud sur une place de Saint-Martory, et en créant un chemin de la Liberté Paul Mifsud au-dessus de Marignac.

Pour finir, je me permets de vous remercier sincèrement au nom de la famille, et en mon nom propre, d’être venu aussi nombreux accompagner notre compagnon Paul pour son dernier parcours.

Tag(s) : #Résistance, #Guerres, #Saint-Martory, #Espagne, #Haute-Garonne
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :