Overblog Tous les blogs Top blogs Tourisme, Lieux et Événements Tous les blogs Tourisme, Lieux et Événements
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
MENU

Pesticides Une décision de justice « historique » met des dizaines de pesticides sur la sellette

La justice a ordonné à l’État de revoir ses procédures d’autorisation de mise sur le marché des pesticides. Cette décision « historique » reconnaît le « préjudice écologique » de la contamination des milieux par ces substances.

« C’est historique », s’émeut Émilien Capdepon, chargé de campagne de l’association Notre Affaire à tous. Si elle était appliquée, la décision de justice tombée le 3 septembre pourrait avoir d’importantes conséquences sur l’utilisation de pesticides en agriculture en France. La cour administrative d’appel de Paris ordonne à l’État de revoir ses procédures d’évaluation des pesticides et de réévaluer l’ensemble des autorisations de mise sur le marché (AMM) des pesticides qui n’auraient pas respecté le principe de précaution.

Cette décision résulte de l’action « Justice pour le vivant », portée par les associations Notre Affaire à tous, Pollinis, Biodiversité sous nos pieds, l’Association nationale pour la protection des eaux et rivières-Truite ombre saumon et l’Association pour la protection des animaux sauvages et du patrimoine naturel. Les cinq organisations avaient déposé en janvier 2022 un recours contre l’État pour dénoncer son inaction face à l’effondrement de la biodiversité et demandaient à la justice de le forcer à agir.

Trois ans et demi plus tard, la cour d’appel les a partiellement entendus. Elle reconnaît un « préjudice écologique » lié à la contamination des milieux par les pesticides. Surtout, elle prescrit des mesures très concrètes. Elle estime que « les carences de l’État dans l’évaluation des [pesticides] […] ont conduit à des autorisations, même temporaires, délivrées à tort ou sans être assorties des prescriptions ou restrictions d’utilisation de ces produits qui auraient été nécessaires ». « Inédite à l’échelle européenne, [cette décision] pourrait désormais ouvrir la voie à des actions similaires dans d’autres pays membres de l’Union », espèrent les associations

Au nom du principe de précaution, la justice rappelle à l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), chargée de l’évaluation des pesticides, que, selon la réglementation européenne, elle doit se prononcer à « la lumière du dernier état des connaissances scientifiques, notamment en ce qui concerne les espèces non ciblées » — par exemple les effets sur les abeilles et autres pollinisateurs, victimes indirectes des pesticides. Elle lui demande donc de revoir ses procédures d’évaluation et de ne pas se contenter des documents transmis par la Commission européenne, parfois obsolètes du fait de la lenteur des procédures.

Réexaminer des autorisations déjà délivrées

En conséquence de cette décision, la cour d’appel estime qu’il ne faut pas seulement changer la procédure pour le futur, mais aussi vérifier que les autorisations déjà délivrées remplissent ces critères. Elle lui donne vingt-quatre mois pour cela. Et elle réclame que d’ici six mois lui soit présenté un calendrier de réexamen de ces AMM.

Les associations évaluent à près de 3 000 le nombre de pesticides autorisés en France. « Pour nous, c’est une révolution juridique et scientifique qui s’annonce, se réjouit Émilien Capdepon. Ce sont des dizaines et des dizaines de produits qui vont devoir repasser la case test de l’Anses et pourraient se voir retirer leur AMM. On a de gros doutes sur la capacité de nombreux produits à passer cette nouvelle évaluation, comme le glyphosate, le prosulfocarbe, les pesticides SDHI... »

« Nous avons obtenu la décision concrète que l’on demandait »

En revanche, la cour d’appel a annulé la décision de première instance qui reconnaissait une « carence fautive » de l’État et lui imputait deux fautes : le non-respect des objectifs en matière de réduction de l’usage des pesticides et le non-respect de l’obligation de protection des eaux souterraines. Lors de cette première audience en 2023, le ministère de l’Agriculture, censé représenter l’État, ne s’était pas présenté et avait délégué sa défense au syndicat des producteurs de pesticides Phyteis.

« Nous avons obtenu la décision concrète que l’on demandait pour mettre fin à la contamination généralisée des milieux par les pesticides, se félicite Émilien Capdepon. On s’attend à des oppositions, mais on ne va rien lâcher. » Cet arrêt de la cour administrative d’appel de Paris arrive en effet dans un contexte tendu sur la question des pesticides. Le 2 septembre, lors de sa conférence de presse de rentrée, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a défendu à nouveau une loi autorisant le retour de l’acétamipride, afin de contourner la censure partielle de la loi Duplomb.

À l’heure où nous publiions, le ministère de l’Agriculture avait simplement précisé que « l’analyse de la décision [était] en cours », tandis que les réactions du ministère de la Transition écologique et Phyteis, contactés par Reporterre, se faisaient encore attendre. L’État pourrait notamment encore décider de se pourvoir en cassation devant le Conseil d’État. Les associations l’appellent à ne pas le faire.

Oui, on sait.
Vous n’avez pas envie de lire un énième appel aux dons.
Et nous, on préférerait ne pas avoir à demander...

Mais voilà : Reporterre est un média indépendant, en accès libre, sans publicité, sans actionnaire, à but non lucratif.
Et il n’existe que par vos dons.

Nous sommes financés à 98 % par 1,6 % de nos lectrices et lecteurs.

Concrètement, ça veut dire que :

  • Personne ne modifie ce que nous publions.
  • Nous ne cherchons pas à capter votre attention mais à traiter les sujets qui méritent votre attention.
  • Nous pouvons laisser tous nos articles en accès libre pour toutes et tous, sans conditions de ressources.

Dans un monde où l’écologie est marginalisée, où la liberté de la presse se réduit, et où la démocratie vacille – ici aussi –, l’information indépendante est une condition essentielle au débat public.

Et c’est grâce à vous qu’elle peut exister.

👉 Un don d’1€, c’est déjà un geste fort.
👉 Un soutien mensuel nous permet d’investir, de financer des enquêtes, de penser dans la durée.

En échange de votre don, pas de t-shirt, pas d’articles réservés.
Mais un journalisme libre, rigoureux et accessible à tous, toujours.

Ça vous prendra moins de 2 minutes.
Merci 💚

Je soutiens Reporterre

Si vous en avez les moyens, choisissez un soutien mensuel. Merci.

Tag(s) : #Environnement, #pesticides, #Nature, #Reporterre
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :