Par Sibylle Vincendon

Le secrétaire d'Etat à la Jeunesse assure que les subventions des CAF aux associations seront également versées, y compris pour la période de confinement.

Le 24 avril, Libération publiait une tribune signée par une vingtaine de personnalités qui s’alarmaient d’une mort annoncée des colonies de vacances. Pour ces structures associatives en crise depuis des décennies, «la crise sanitaire pourrait être le coup de grâce», écrivaient les signataires. Secrétaire d’Etat à la Jeunesse, Gabriel Attal explique les dispositifs mis en place pour éviter cette funeste issue.

Des acteurs du tourisme social ont alerté sur la crise que vivent les associations organisatrices de colonies de vacances auxquelles la pandémie pourrait porter «le coup de grâce». Partagez-vous cette inquiétude ?

Je me suis mobilisé pour les colonies de vacances dès mon arrivée au ministère. En France, trois millions d’enfants ne partent pas en vacances chaque été. Il y a trente ans, quatre millions d’enfants allaient en colonie de vacances. Quand je suis arrivé en 2018, il n’y en avait plus que 850 000. L’an dernier, notamment grâce à une campagne de communication autour des aides aux familles, nous avons connu le premier rebond depuis 10 ans et enrayé ce déclin. Avec la crise, l’enjeu est plus fort encore cette année. La question des vacances fera l’objet d’annonces dans la prochaine étape du déconfinement, le 2 juin au regard de l’évolution de la situation sanitaire. Depuis un mois, nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer et l’ensemble des acteurs pour que, quel que soit le scénario retenu, nous soyons en capacité de proposer aux enfants de s’évader cet été.

Sur la situation financière de certaines associations, que comptez-vous faire ?

J’ai obtenu que l’ensemble des aides aux entreprises, c’est-à-dire le chômage partiel, le report de charge et le prêt garanti par l’Etat, s’appliquent aussi aux associations. A cela, nous avons ajouté une mesure forte : le maintien de tous les financements de la CAF pendant la durée du confinement. C’est très important pour le secteur. Les centres de loisirs sont gérés à 25 % par des associations qui perçoivent des financements en fonction du nombre d’enfants qu’elles accueillent. Pendant le confinement, elles n’ont accueilli personne. Nous avons obtenu, dès le mois de mars, qu’elles aient, en 2020, les mêmes financements qu’en 2019 et que l’annulation des séjours de Pâques ne cause pas de perte financière aux organisateurs de colonies de vacances. Elles peuvent proposer des avoirs aux familles plutôt que des remboursements. Pour les séjours des scolaires, souvent organisés par ces mêmes associations, c’est l’Education nationale qui rembourse les familles.

Sur quels scénarios vous appuyez-vous pour cet été ?

Nous travaillons sur le développement du dispositif «école ouverte», qui permet d’organiser des cours le matin et des activités culturelles ou sportives l’après-midi. Ce travail se retrouve aussi dans les annonces du président de la République sur la culture, en particulier sur «l’année blanche» pour les intermittents du spectacle. Emmanuel Macron les a invités à s’engager en allant au contact des enfants et des jeunes, pour «un été apprenant et culturel». Nous travaillons avec Jean-Michel Blanquer et Franck Riester à une plateforme de mise en relation entre les institutions culturelles, les établissements scolaires et les artistes, dans le respect des impératifs sanitaires. Dans le cas où la mobilité resterait limitée à 100 kilomètres cet été, nous travaillons aussi à des mini-séjours, des colonies de vacances en petits groupes qui se rapprocheraient du scoutisme. Enfin, si les conditions sanitaires autorisent une mobilité normale, nous voulons développer l’accès aux colonies de vacances, avec le renforcement éducatif qu’a annoncé Jean-Michel Blanquer. Par ailleurs, il y a un enjeu très fort dans les quartiers de politique de la ville. Puisque beaucoup de familles qui ont l’habitude de partir voir leur famille l’été dans leur pays d’origine, ne pourront pas le faire cette année avec la fermeture des frontières hors Schengen.

A quel montant s’élève l’ensemble des aides ?

Ce n’est pas encore totalement arrêté puisque nous sommes en train d’affiner les différents scénarios, mais il y aura un investissement financier de l’État.

Uniquement pour cette année exceptionnelle ?

Avant même la crise du coronavirus, à la demande du président de la République et du Premier ministre, j’avais commencé à travailler sur le tourisme social et les vacances pour tous. Des mesures nouvelles seront discutées au prochain comité interministériel sur le tourisme du 14 mai pour soutenir, entre autres, le départ en colonie de vacances.

Comment analysez-vous la chute de fréquentation des colonies de vacances ?

Une semaine de colonie de vacances coûte en moyenne 400 à 600 euros par semaine. Quand vous êtes au smic et que vous avez trois enfants, c’est impossible. Les aides des caisses d’allocations familiales, qui représentent 35 millions d’euros chaque année, concernent les familles les plus démunies. Cela tient aussi aux décisions des collectivités locales qui, depuis plusieurs années, ont souvent privilégié le soutien à l’accueil de loisirs en proximité. C’est une tendance de fond. Si l’on résume, il existe des aides pour les familles les plus pauvres via les allocations familiales, il n’y a pas de problème pour les familles qui ont les moyens, mais si vous êtes entre les deux… Le deuxième frein est lié à l’image des colonies de vacances. Il faut toujours rappeler à quel point les enfants sont en sécurité dans les colonies de vacances, à quel point les animateurs qui les encadrent sont criblés sur leur parcours, passés à tous les fichiers et bien formés. Et, toujours autour de cette image, il y a peut-être aussi un enjeu de modernité insuffisamment perçue. Certains ont parfois l’impression que la colo est quelque chose d’un peu vieillot alors que c’est un laboratoire pédagogique où l’on invente de nouvelles pratiques. Enfin, le troisième facteur tient à la recomposition des familles : c’est difficile pour les parents divorcés d’accepter de prendre sur leur temps de vacances pour envoyer leur enfant en colonie. Sur les deux premiers facteurs, on peut agir.

Que prévoyez-vous pour le tourisme social ?

Le tourisme social est mal connu et le terme lui-même peut être mal compris. Je préfère parler de tourisme pour tous comme l’a proposé la députée Pascale Fontenel-Personne. Nous pouvons avancer sur deux chantiers structurants. Celui de l’Agence nationale des chèques-vacances d’abord. C’est un acteur extrêmement important pour les départs en vacances mais on peut démultiplier son impact. L’agence a aujourd’hui un monopole pour la distribution des chèques vacances mais l’ouvrir à des opérateurs concurrents permettrait de toucher d’autres publics dans les PME et les TPE notamment. Pour beaucoup de Français qui travaillent dans des PME, des TPE, pour les commerçants, il n’existe aucune aide pour leurs vacances, c’est un problème. A cela s’ajoute un enjeu d’évolution du secteur vers un tourisme écologique et solidaire. Cela nécessite des investissements. Je travaille avec la Caisse des dépôts et la banque des territoires pour que les associations du tourisme social accèdent mieux aux financements.

Etes-vous allé enfant en colonie de vacances ?

Oui, j’en garde d’excellents souvenirs. J’ai découvert le scoutisme depuis mon arrivée au ministère : ces déplacements m’ont fait regretter de ne pas avoir été scout enfant !

Sibylle Vincendon