L’histoire forestière contemporaine : du basculement productif ( 1965) à une sylviculture « prochede la nature » ( 2014 …)
1810 / 1965 : le temps long de la reconquête de la forêt
Dès le début du 19ième siècle l’Administration Forestière impose une surveillance accrue des forêts en France car il s’agit pour les forestiers de reconstituer progressivement « desforêts particulièrement délabrées » tout en tenant compte des besoins des populations locales comme le bois de feu avec l’affouage. Cette reconstitution va passer à la fois par la garde de plus en plus importante de baliveaux de chêne et de toutes essences susceptible de reformer une futaie de franc pied mais aussi par l’allongement du temps de passage entre les coupes de bois, par une surveillance prégnante de ces coupes par les gardes forestiers. Ainsi au Bois du Bernet la « rotation » des coupes va passer de 13 ans en 1890 à 30 ans en 1960 et la garde des baliveaux de 50 à 150 / 200 arbres à l’hectare. Un renouveau de l’ambiance forestière s’installe ainsi.
1930 / 1935 : les premières introductions d’essences
Cependant dès les années 30/35 pour aider la reconstitution de la forêt l’Administration Forestière introduit des essences nouvelles principalement sur le massif de Figarol car le plus détérioré des trois. C’est de cette époque que date l’introduction principale des chênes rouges, des pins sylvestre et des pins maritimes.
L’introductions du chêne rouge a été particulièrement probante pour la reconstitution de la ressource…Malheureusement cette essence tend depuis cette époque à coloniser toute la forêt du fait d’une production annuelle de glands et d’une croissance rapide.
Cette longue période de « reforestation » de presque 150 ans du bois de Bernet se termine aux milieux des années 60 avec la fin progressive des demandes sociales des coupes d’affouage et du bois de feu.
1965 / 1990 : un temps court ou le basculement vers un autre modèle forestier : Le reboisement résineux de Figarol
Dès après la guerre l'Administration Forestière initie une politique ambitieuse de reboisement en résineux puis feuillus pour subvenir à un approvisionnement en bois d’industrie et en bois d’œuvre déficitaire en France. Ainsi entre 1960 et 1990 commence une période, que l’on qualifie aujourd’hui « d’industrielle » ou de « malforestation » et qui va se traduire sur les massifs de Figarol puis ceux de Montsaunès et Mazères par de grands reboisements avec des essences non autochtones.
Ainsi dès 1965-66 une coupe de 40 hectares est réalisée sur le massif de Figarol, coupe où sont laissées des bandes feuillus entre lesquelles sont plantées des essences résineuses comme le Pin Laricio, le Pin Weymouth, le Douglas … L’on voit encore ces résineux alignés depuis la route qui borde le stade de football.
1987 / 1993 : à Montsaunès et Mazères un reboisement en chêne rouge d’Amérique
En 1986 / 87 à Montsaunès et 1991 /1993 à Mazères le même « esprit » de « transformation du milieu » que celui de Figarol trente ans plus tôt est réalisé mais sur des surfaces moindre de 10 hectares chacune avec du chêne rouge d’Amérique comme seule et unique essence de reboisement. La finalité est toujours de produire du bois d’œuvre.
Si, forestièrement, le reboisement de Montsaunes a bien « poussé » ce n’est pas le cas de celui réalisé à Mazères en 1993 où une grande majorité des chênes plantés ont été « mangés » par les chevreuils(1) : ainsi dès le début cette forêt artificielle a disparu… mais, par chance, elle s’est reconstituée naturellement avec des essences locales. Ainsi la nature a fait son œuvre de cicatrisations d’une plaie. On retrouve dans cette jeune forêt spontanée et naturelle du bouleau, du tremble, du saule, du châtaignier , du chêne local et quelques chênes rouges plantés qui ont réussi à se sauver. De fait l’on a une forêt mélangée.
1 : les chevreuils ont progressivement colonisé le Comminges à partir des années 90 dans un double mouvement d’envahissement depuis la Gascogne et le Languedoc.
2000 : Une forêt presque naturelle dite « futaie régulière » ou la ré-émergence du temps long
A partir des années 2000 une sylviculture moins dispendieuse et plus naturelle s’appuyant sur les essences locales comme les chênes pédonculé et rouvre est mise en place avec un modèle de renouvellement naturel de la forêt via les « chênes semenciers réservés » et leurs glands tombés au sol qui assurent ainsi le renouvellement. Ainsi ce modèle dit de la « futaie régulière » est pratiqué à Montsaunès sur une parcelle de 3.00 hectares et dure 6 ans. Au terme du processus de renouvellement les « chênes semenciers réservés » sont coupés en « coupe rase » dénudant la parcelle et provoquant à la fois certain choc paysager mais aussi un délestage important de CO2 stockés dans les premiers horizons du sol…
2014 : l’intronisation dans la chênaie d’une sylviculture irrégulière dite « proche de la nature »
Pour pallier aux inconvénients du modèle de « lafutaie régulière » une sylviculture dite « irrégulière » est tentée et mise en place à Mazères à partir de 2014 puis en 2016 à Montsaunès.
Dans ce modèle il s’agit d’adapter la sylviculture aux arbres de la forêt en place et de garder un couvert forestier continu ainsi il n’y a plus de coupe rase. Lors du « martelage » des bois il est à la fois enlevé des bois pour l’éclaircie et le renouvellement de la forêt. Le prélèvement reste modéré pour ne pas bouleverser le milieu en place. Le renouvellement de la forêt est réalisé dans des trouées de 15 /20 ares disséminées dans la forêt en récoltant des chênes arrivés à maturité et sous lesquels se trouvent de « petits chênes » prêts à assurer le renouvellement. Ainsi le paysage interne de la forêt n’est pas touché. Au terme de ce modèle de sylviculture « de l’arbre » l’on obtient progressivement sur la même parcelle des arbres aux diamètres irréguliers et une diversité des essences pour la forêt… Un autre aspect de ce modèle est de travailler avec la dynamique naturelle de la forêt (sa vie naturelle) et de pouvoir garder toutes sortes d’arbres du plus hétérodoxe (la biodiversité) au plus gros ( le patrimoine).