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1944 : L’incroyable odyssée de quatre aviateurs en Comminges

Avril 2023, un article paraît dans la Gazette du Comminges. Il retrace l’histoire d’un groupe de résistants salisiens : le groupe de Résistance Linzau. Parmi leurs actions : une main tendue à quatre aviateurs alliés qui ont traversé la France et ont pu se cacher en Comminges.

Au Canada, un membre de la famille d'un des aviateurs se manifeste auprès de P.G. de Salies-du-Salat. Ce dernier continue ses recherches.

Voici les documents recueillis par P.G

Le parcours des évadés de France passés par l'Espagne - Le sauvetage des aviateurs canadiens

21 janvier 1944 : un Halifax s’écrase dans la Marne près de Marson

Six des sept membres de l’équipage du Halifax V LK 739 dont l’indicatif est NA-P et qui appartient au 428e squadron canadien et qui s’est écrasé près de Marson, un village proche de Châlons-sur-Marne dans le département de la Marne , échappent aux Allemands et sont aidés par la Résistance pour regagner la Grande-Bretagne. L’appareil s’envole le 20 janvier 1944 à 16 h 38 du terrain de Middleton Saint-George. Il intègre une formation composée de 495 Lancaster et de 264 Halifax complétée de dix Mosquito chargés d’un raid sur Berlin. Arrivé au-dessus de la capitale allemande, l’appareil est touché par la Flak, la défense contre-avions ennemie. Le pilote, le sergent Frederik Reain, parvient à converser le contrôle de l’appareil, délivre ses munitions et prend le chemin du retour. Il constate rapidement que le bombardier perd du carburant et qu’il ne pourra pas rejoindre la Grande-Bretagne, d’autant qu’il ne parvient pas à conserver son cap. Effectivement au lieu de passer par les Pays-Bas, le Halifax se retrouve dans le ciel marnais alors que la jauge est au plus bas.

Le sergent Reain ordonne à son équipage de sauter en parachute. Le mitrailleur arrière, le sergent Leo Fryer, le mitrailleur supérieur, le sergent William Wynveen, l’opérateur radio, le sergent W.T. Banner, le bombardier, le sous-lieutenant Yves Lavoie, le navigateur le sous-lieutenant A.R. Fisher, le mécanicien le sergent William Fell s’exécutent. Puis c’est au tour du pilote.

Le 21 janvier 1944, à l’aurore, le sergent Fryer tombe au milieu de nulle part sur un fermier qui le prend en charge. Le mécanicien de Detroit qui s’est engagé en novembre 1941 dans l’aviation canadienne et n’a jamais voulu rejoindre les siens malgré l’attrait de la solde se voit offrir par son bienfaiteur un billet de train pour rejoindre Toul où vit son cousin. Une semaine plus tard, muni d’une fausse carte d’identité, Fryer suit une jeune femme Regina qui le guide à Belfort. Le 29 janvier 1944, ils prennent un taxi jusqu’à la frontière suisse. Quelques minutes plus tard, Fryer est en Suisse. Une situation qu’un autre mitrailleur de l’équipage William Wynveen aurait bien aimé suivre mais il est fait prisonnier avant d’y parvenir.

Banner, Lavoie, Fisher et Fell ne sont pas repris parce qu’ils sont pris en charge par des résistants du groupe Bleu et Jonquille dont le chef est un agent du service anthropométrique de la police de Châlons-sur-Marne, Maurice Rehheiser qui habite Saint-Martin-sur-le-Pré. Se sachant très surveillé, Rehheiser décide de partir avec René Rudloff de Vraux et Henri Egly et les quatre aviateurs canadiens! C’est Marcel Vangeluwe, un garagiste châlonnais, qui le 4 février 1944 transporte dans une camionnette ses sept voyageurs pas comme les autres jusqu’en gare d’Epernay. « Mon mari a pris pour l’aller la route de Condé-sur-Marne, il y avait un contrôle mais ils sont passés sans problème puisque le véhicule utilisé appartenait à l’un de ses clients ayant de bonne relations avec l’occupant. Au retour, il est passé par la grande route. Je me souviens qu’il ma dit, j’ai transportée quatre Canadiens », a témoigné plus tard son épouse.

L’équipe gagner Paris, puis Toulouse et enfin Salies-du-Salat où, grâce aux recommandations du Châlonnais André Clément, ils sont accueillis par un vétérinaire, M. Linteau. Les quatre aviateurs sont confiés à une filière différente de celle utilisée par Maurice Rehheiser. Ils franchissent les Pyrénées, gagnent Gibraltar et retrouvent au printemps la Grande-Bretagne.

A Châlons-sur-Marne, au 16, rue du Lycée là où s’est repliée la Maison des œuvres, on sonne chez l’abbé Pierre Gillet. L’un de ses connaissances lui confie un aviateur allié. Il s’agit du pilote du Halifax, le sergent Reain. L’objectif est de l’intégrer dans une filière d’évasion vers l’Espagne. Le temps de prendre des contacts, l’abbé décide de confier le pilote à M. de Villelongue, un inspecteur des postes qui demeure allée de Forêts. Le postier est au rendez-vous. Une fois son départ avec son nouvel ami, l’abbé Gillet, s’adresse à Paul Mouton, responsable du réseau Kleber-Uranus pour qu’il prenne les dispositions adaptées à l’exfiltration de l’aviateur canadien avec la filière dont il est le correspondant. Moins de deux semaines plus tard, Paul Mouton téléphone à l’abbé Gillet : « Je passer chercher le paquet ». A l’heure dite, il patiente dans le bureau du prêtre lorsque soudain il se fige à l’arrivée de Villelongue et de Reain. L’abbé est surpris mais comprend vite. Ses deux hommes habitent à la même adresse et sur le même palier.

Paul Mouton intègre Reain dans sa filière et l’aviateur franchit les Pyrénées, gagnent Gibraltar puis regagne la Grande-Bretagne, prêt à reprendre du service. Après guerre, il a écrit à l’abbé Gillet et lui a donné des nouvelles depuis sa maison de Salt Ontario. Pour son aide apportée Paul Mouton et son épouse ont reçu du maréchal de l’air britannique Tedder un certificat de reconnaissance du gouvernement pour avoir : « Au péril de leur vie, protégé, nourri et aidé les militaires de l’Empire britannique se trouvant sur le sol de France pendant l’occupation allemande ». Un autre diplôme a été décerné à Paul Mouton par le général américain Dwight D. Eisenhower, commandant en chef des forces alliées en Europe de l’ouest.

 

Le parcours des évadés de France passés par l'Espagne

(version du 5 mai 2025.PG)

En mars 1944, le village d’Urau a accueilli 7 futurs évadés de France par l’Espagne : 4 aviateurs alliés dont l’avion s’était écrasé dans le Nord de la France et trois nordistes recherchés par les occupants allemands.

Les enfants d’une famille canadienne d’origine française en particulier Rouennaise (Normandie) nous ont demandé d’effectuer une recherche sur la traversée de la France métropolitaine par ce groupe d’aviateurs, dont leur père M. Yves LAVOIE faisait partie.

Un complément d’étude a donc été mené sur le parcours via le canton salisien en Haute-Garonne, jusqu’à leurs passages en Espagne par les Pyrénées de ces 4 aviateurs mais également de leurs trois accompagnateurs.

 (Ci-contre) Photographie Yves Lavoie ( Coll P de La Voye) 

Cette belle histoire n’est pas unique, mais elle est un exemple de l’implication de nombreux résistants ou non, dans la sauvegarde des personnes pourchassées par les troupes d’occupation et par les services spécialisés français de plus en plus extrêmes en ce premier semestre 1944.

Un accent particulier a été mis sur l’implication particulière de quatre personnes d’origine châlonnaise : Maurice Rehheiser, André Clément, André Bellorget et Mme Andrée Larromet.

Documents ou sites spécialisés étudiés :

- Site France – Crashes 39-45. Aviateurs français et alliés tombés sur le sol de France, période 1939 – 1945. (de Jean-Luc Maillet, Olivier Housseaux).

- Site aide-aviateurs-alliés « They helped us escape »1940 – 1945. (de M. Franc Signorile).

- Site l’encyclopédie canadienne.

- Livre They came from BURGUNDY (Ils sont venus de Bourgogne) de M. Keith Janes.

- Histoire du M.R.P.G.D. (Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et des Déportés) de Michel Cailliau dit Charrette.

- Livre En Comminges sous l’occupation du salisien Roger Prost.

- Témoignage de l’évadé par l’Ariège, Joseph Heinrich.

- Mémoire du salisien Antonin Espagnol (non diffusé).

- Mémoire du figolarien André Bellorget (non diffusé).

- Les fougères de la liberté par Emilienne Eychenne (évasion par les Pyrénées basco-béarnaise).

 

ETAPE MARNAISE

Contexte du crash du bombardier Halifax V numéro LK739 indicatif NA-P du 428 escadron.

Cette mission de bombardement à laquelle participent 769 appareils dont 495 Lancaster, 264 Halifax et 10 Mosquito est menée dans le cadre de la bataille aérienne de Berlin (18 novembre 1943 - fin mars 1944).

L’avion bombardier Halifax LK 739 de l’aviation royale canadienne[1] décolle en milieu d’après-midi le jeudi 20 janvier 1944 du terrain de Midleton Saint-Georges en Irlande à destination de Berlin.

Vingt minutes avant d’arriver au-dessus de la capitale du grand Reich, l’avion est touché par l’artillerie aérienne.

 

[1] R.C.A.F. Royale Canadien Air Force

L'équipage a mené sa mission mais au retour, le pilote le sergent-chef Frederik Reain s'est aperçu que son appareil ne gardait pas son cap et perdait du carburant. Au lieu de survoler les Pays-Bas, le bombardier s'est retrouvé dans le ciel marnais. Le pilote décide de faire évacuer l’avion.

L'appareil s'est abîmé dans la nuit du 20 au 21 janvier 1944 près du village de Marson proche de Châlons-sur-Marne (aujourd'hui rebaptisée Châlons-en-Champagne, nommé Châlons dans la suite du texte). Il n'y a pas eu plus de précision portée sur le lieu.

 Le mitrailleur supérieur le sergent William Wynveen, le mitrailleur arrière le sergent Robert Leo FRYER, le radio-opérateur le sergent W. Thomas BANNER, l’ingénieur le sergent William Edward FELL  le bombardier le sous-lieutenant Yves LAVOIE, le navigateur le sous-lieutenant Alvin R. FISHER, ont sauté avant le pilote Frederick Fortesque Edmund Reain.

(Photographie de Fell avec son équipage de vol de 6 personnes (issue de l’encyclopédie canadienne ; Memory Project)).

Les sept membres d’équipage parviennent au sol sain et sauf. Pour ces hommes, le plus dur reste cependant à venir ;  échapper à l'occupant tout en regagnant la Grande-Bretagne.

WYNVEEN[1] est le seul à avoir été fait prisonnier et est envoyé au camp de prisonniers pour les aviateurs alliés capturés, le PoW n°2440 Stalag Luft I situé près de Barth en Poméranie occidentale en Allemagne. Son parcours n’a pas été documenté.

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 Les six autres membres de l’équipage échappent aux Allemands et sont aidés dans un premier temps par des particuliers qui prennent le risque de les secourir.

 

Récapitulatif des lieux où ont été hébergés les aviateurs canadiens.

Zone des parachutages.

 

[1] William Richard Wynveen de   Leamington, Ontario, né le 18/01/1921.

- Fryer[1] a été pris en charge au lever du jour par un fermier. Une semaine plus tard, muni de faux papiers et accompagné par une jeune femme Regina ils se rendent à Belfort. Ils prennent un taxi jusqu'à proximité de la frontière suisse et Fryer parvient à passer en territoire helvète le 29 janvier 1944. Après le passage en Suisse (pays peu accueillant pour les évadés), en Corse et en Italie. Il est de retour en Grande-Bretagne le 20 août 1944.

  • BANNER[2] a atterri dans un arbre dans le noir près du village de L'Epine. Il est rapidement pris en compte par le mouvement Bourgogne[3], spécialisé en particulier dans le sauvetage des aviateurs alliés. Il traverse les Pyrénées au sud de Perpignan et rejoint l’Angleterre le 20 mars 1944.

- Reain[4] le pilote, après avoir déclenché une bombe incendiaire dans l’alimentation en oxygène dans le but de détruire l’avion, saute en parachute et atterri à l'ouest de Tilloy et Bellay dans le secteur de Marson, environ à 15  km au Nord-Est de Châlons.

Le 22 janvier, il est emmené par des locaux français chez un homme qui parlait parfaitement anglais. L'homme lui a conseillé de se rendre à la Gestapo à Châlons. Il a immédiatement quitté la maison de l'homme, sachant plus tard que l'homme avait prévenu la Gestapo. En route vers Châlons, il a été confié à Châlons à l'abbé Pierre Gillet avant son départ vers l'Espagne. Il l'a placé chez un inspecteur des postes M. de Villelongue puis chez Paul Mouton, sous-chef de gare et responsable du réseau Kléber Uranus. Chose incroyable. Villelongue et Mouton habitaient sur le même palier et ignoraient qu'ils étaient résistants ! Ils se méfiaient l'un de l'autre. Ensuite, il a pu retrouver ses autres compagnons.

- Fell[5] (Extrait de The Memory Project/Le Projet Mémoire. Date de publication en ligne le 30 mars 2023)

Ci-dessous, photographie de Fell, et transcription d’une partie de sa vidéo.

« -- Ce que l'on craignait en sortant par la porte arrière, c'était de heurter la queue de l'avion quand on sautait, on n'en était pas sûr. Nous avions plus peur de ça que des coups de feu.

Je me souviens qu'il neigeait cette nuit-là et qu'à mesure que je me rapprochais du sol, je pouvais voir, je pensais que nous traversions un nuage et en fait c'était l'horizon, alors quand j'ai atterri, j'étais à plat sur le dos et j'avais un peu mal.

Mais je savais quoi faire, j'avais attrapé la corde que nous utilisions pour monter dans le canot pneumatique si nous descendions en mer, j'en avais coupé un morceau et j'avais attaché mes bottes ensemble parce que je savais que lorsque le parachute s'ouvrirait, les bottes se détacheraient si elles n'étaient pas attachées. J'ai donc attaché mes bottes, je suis arrivé au sol, je les ai défaites et je me suis éloigné, mais j'entendais quelqu'un qui me suivait. Je me suis alors rendu compte que j'avais pris un bidon d'eau, car nous pouvions rester quelques jours sans manger si nous n'étions pas capturés, mais il fallait boire quelque chose.

Ce bidon d’eau, qui se trouvait dans ma tenue de combat avait gelé. Et à chaque pas que je faisais, la glace dans le bidon faisait « clac, clac ». J'ai cru que quelque chose me suivait. C'est un peu idiot, non? Mais ce sont des petites choses comme ça dont on se souvient. »

 

[1] Léo R Fryer, né le 30 mai 1921, il habitait à Détroit dans le Michigan aux Etats-Unis.

[2] William Thomas Banner, né le 13 août 1923 à Lakenham Norwich au Royaume Uni.

[3] Jean Louis KERVEVANT (né à Plonéour-Lanvern le 23 octobre 1922, décédé le 10 août 2006 à Quimperlé) fut le principal accompagnateur du parcours de Banner. Il était membre du mouvement des Volontaires de la Liberté regroupant des étudiants et lycéens autour des lycées d’Henri IV et Louis le Grand, et comme tout un contingent d’élèves résistant, de Quimper, il était surnommé “le breton d’H4”.

En 1943, alors que le STO devient obligatoire Kervevant intègre le réseau Bourgogne, chargé du rapatriement des aviateurs dont les avions ont été abattus. Il est un des responsables de l’accompagnement des évadés dans Paris et de Paris vers la Province.

[4] Frederick Fortesque Edmund Reain, né le 11 juin 1915 à Galt Ontario Canada.

[5] William Edward Fell, né le 20 août 1920 à Hamilton Ontario Canada.

 

Il a atterri à environ trois kilomètres au sud-est de Souain Perthes les Hurlus. Après avoir été aidé par des familles craintives, il a marché jusqu’à Châlons où il a pu se mettre sous la protection d’un ingénieur des chemins de fer.

- Lavoie[1] s’est posé dans un bois juste au Nord de La Cheppe.

- Fisher[2] est descendu dans les bois à l’Est de Saint-Etienne au Temple.

Lavoie et Fischer marchant indépendamment et se cachant des Allemands, ont atteint la ville de Châlons quelques jours après avoir été abattus. Ils ont pu alors retrouver Fell et  Reain,

Fell, Fisher, Lavoie, et Reain sont alors pris en charge par des résistants du groupe Bleu et Jonquille[3] dont le chef est un agent du service anthropométrique de la police de Châlons-sur-Marne, Maurice Rehheiser, habitant Saint-Martin-sur-le-Pré.

 

De nouvelles identités sont données aux quatre aviateurs. C’est ainsi que :

 

- Reain devient René Delaplace directeur d’usine à Roubaix dans le département du Nord (carte d’identité ci-contre).

 

- Fell devient Jean Pierre Irigoyen courtier en bestiaux à Ahaxe en Pyrénées Atlantique (information issue de L’encyclopédie canadienne).

- Lavoie devient Pucheu aubergiste (information fournie par sa famille).

Se sachant très surveillé[4], Rehheiser décide de partir avec René Rudloff (réfractaire au Service du Travail Obligatoire) de Vraux, Henri Egly et les quatre aviateurs canadiens.

Le transport par le train des 7 hommes est  soigneusement préparé par le responsable SNCF Paul Mouton

 

[1] Yves Lavoie, né le 24 octobre 1916 à Montréal. Décédé le 18 août 2002 à Shawinigan-Sud.

[2] Alvin Robert Fisher, né le 20 septembre 1920 à Wadema Saskatchewan Canada.

[3] L'origine de ce nom correspond aux couleurs des chasseurs à pied, unité à laquelle le fondateur du groupe  Maurice REHHEISER (Né à Reims le 18 Juillet 1910) avait appartenu.

   Ce groupe était spécialisé dans la fabrication de faux papiers d'identité et dans la prise en charge des réfractaires du STO ainsi que des aviateurs alliés abattus dans la région.

[4] À partir d’août 1943 et jusqu’en août 1944, trente-huit condamnés (dont Clément Robert du groupe Tritant) ont été fusillés sur le terrain de La Folie, terrain militaire situé sur le territoire de la commune de L’Épine, à quelques kilomètres seulement de Châlons-sur-Marne.

C'est le garagiste châlonnais Marcel Vangeluwe qui, le 4 février 1944 transporte dans sa camionnette les aviateurs et les trois résistants en gare d'Epernay en passant par la petite route via Condé-sur-Marne.

 

TRANSFERT ET SAUVEGARDE AU PLAN D’URAU (Haute-Garonne)

                                                                                                                                        

Arrivées à Epernay à 17 heures, les sept personnes gagnent Paris en train, puis Toulouse et enfin Mane où ils sont accueillis par M. André Bellorget[1],  directeur de l’école et secrétaire de mairie de Figarol, originaire de Châlons en Champagne.

 

Début février M. Bellorget avait reçu de son beau-frère par alliance, le résistant châlonnais André Clément[2] (frère de Robert fusillé en mai 1944) du groupe "bleu et jonquille", le message « Le domestique destiné à Chein arrivera à Mane samedi 5 février 1944 par l’autobus du soir ».

 

Immédiatement, il les conduit à l’hôtel Ducos[3] de Mane.

Il part le lendemain se renseigner sur les possibilités d’évasion vers l’Espagne auprès des frères Lion imprimeurs rue Croix-Baragnon à Toulouse. Malheureusement, les frères Lion et leur personnel ont été arrêtés 2 jours avant par la gestapo. Il est pris dans le piège, et arrive à sortir indemne de l’interrogatoire.

 De retour à Mane, M. Bellorget repart voir les sept personnes pour leur dire que sa recherche n’a pas été positive. Heureusement, le groupe clandestin de résistance Linzau avait déjà pris les 7 évadés sous sa protection.

 

Durant l’absence de M. Bellorget, Yves Lavoie et Maurice Rehheiser  tentent de trouver un guide.

 On leur dit de contacter le vétérinaire Arille Linzau de Salies du Salat et ils partirent à Salies (3 km de Mane) dans l'après-midi.

Linzau[4] leur dit qu'il enverra quelqu'un pour les interroger.

 

 

[1] M. BELLORGET André, Marie, Paul né le 12 mars 1912 à Alliancelles Marne (51), situé à 50 km de Châlons en Champagne.

Dans une attestation relatant sa participation à la protection des 7 évadés, datée du 11 novembre 1957, Mme Linzau écrit « Il est juste d’ajouter au mérite de M. Bellorget que, prisonnier de guerre évadé, il se savait recherché par l’autorité militaire allemande. »

[2] CLEMENT André, Marcel né le 12 août 1911 à Châlons sur Marne (51). Les deux « châlonnais » André Bellorget et André Clément étaient mariés à deux des filles de la famille Estrade de Chein-Dessus.   

[3] Le directeur de l’hôtel Aimé DUCOS (11/12/1924 – 06/02/2003) a reçu le diplôme américain de reconnaissance à l’aide qu’il a apporté aux combattants alliés au cours de leur évasion vers l’Espagne.

[4] Linzau aurait été prévenu par le maire de Mane, le docteur Jules Masquères.

 

Dès le lendemain, ses collaborateurs Léon Denat, Pierre Dilhan, Antonin Espagnol, Roger Sentenac[1] vont à l’hôtel Ducos et contrôlent les sept évadés dans une chambre.

Yves Lavoie leur remet un revolver de petit calibre et un numéro matricule militaire prouvant bien sa qualité de combattant.

Le 6 février les sept évadés prirent le bus et furent hébergés à Labastide du Salat chez Paul Frêche membre de l’équipe Linzau.

 

 

M. Linzau sollicita l'aide du Maire de la commune de Urau, afin que ce groupe trouve asile et nourriture dans l'attente de son passage en Espagne. M. Dupont garde-chasse ainsi que l’agricultrice Anna Ferré (parente avec la famille Estrade-Bellorget) aideront activement le groupe Linzau,.

 

M. Perez laitier et le couple Cante hébergeront ces sept évadés pendant près d’un mois en attendant leur transfert vers l’Espagne.

Reain précise (dans une vidéo) qu’ils furent logés par un fermier dans les collines, dans une cabane à l'abri du froid et très bien ravitaillés en ce qui concerne la nourriture.

 Dans cette grange, il gardait une paire de bœufs et apportait de la nourriture tous les matins aux sept évadés.

 

                                                                                                                                                      

Photographie par satellite (dans les années 2000)

Les enfants de Mme et M. Cante ont confirmé que leurs parents ont conduit les sept hommes dans une ferme isolée dans les bois au lieu-dit Plan, au-dessus de Urau. Ils y sont restés un mois en raison de la neige, sans doute. Les Cante les ravitaillaient toutes les nuits à 11 heure. 

 

 

[1] Sentenac Roger né à Belbèze en Comminges était l’agent de liaison du groupe salisien, en particulier avec le M.R.P.G.D. (Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et Déportés ). Arrêté par la gestapo à Salies du Salat le 21 avril 1944, il est mort en déportation le 24 décembre 1944 au camp de concentration de Hambourg-Neuengamme en Allemagne, suite à son arrestation par la gestapo. MORT POUR LA FRANCE, il  a été décoré en 1958, à titre posthume,  de la médaille de la Résistance Française, de la Croix de Guerre avec Palme et de la Médaille Militaire avec mention.

Le petit-fils Cante se souvient que sa grand-mère avait cité les prénoms de Bob, Yves et Maurice. Elle a marqué les noms sur les photos ci-dessous , ce qui n'arrive jamais en principe!

Photographie dans la neige : 7 hommes

 

 

 

Debout de gauche à droite : FELL (Bob ou Brelf). Reain (Yves). Henri Egly. Robert Fisher. Maurice Reihheiser

 

 Assis devant de gauche à droite : Yves LAVOIE (Fredy), et  René RUDLOFF.

Dans la photo à 4,  prise devant la ferme, on trouve de gauche à droite :

 

 

Reihheiser,

LAVOIE,

Egly,

et Fisher

que l'on retrouve dans la photo à 7 (photographie précédente).

Départ vers l’Espagne des sept évadés et séparation en deux groupes, celui des « nordistes »  et celui des aviateurs canadiens.

  • Traversée des Pyrénées ariègeoises par les « nordistes », à savoir Reihheiser, Egly et Rudloff.

(Synthèse du livre En Comminges sous l’occupation du professeur salisien Roger Prost, et du témoignage d’un évadé participant à la traversée par l’ariége, Heinrich Joseph).

Le 28 février à 20 h 30, les trois clandestins français quittent le Plan et sont incorporés à une colonne de 31 personnes qui comprend notamment deux femmes et plusieurs jeunes Hollandais.

Sous la conduite des passeurs, ils se mettent en marche vers le Mont Vallier qui culmine à 2839 m(...). ; 26 km à vol d’oiseau ; en réalité plus du double.

La solidarité du groupe d’évadés était totale.

C'est l'hiver et ces hommes et femmes, dans bien des cas, ne disposent pas de tout l’équipement nécessaire, et manquent d’entrainement.

Heureusement, Reiheiser avait l'expérience de la montagne.

Pendant la journée, la marche leur permettait de ne pas geler, mais la nuit venue, au sommet de la montagne : il neigeait et il faisait très froid.

Il leur a montré comment s’enfouir dans la neige pour rester au chaud toute la nuit.

De même, les hommes de dix-neuf ou vingt ans ont été irréprochables.

À un certain moment, un vieil homme d’environ soixante ans et un jeune Hollandais sont tombés, et rampaient à quatre pattes loin derrière le groupe. Les plus jeunes les ont tirés et poussés pendant deux jours supplémentaires.

A un autre moment des retardataires se trouvent face à face avec deux ours. Ils ne doivent leur salut qu'au courage d'un jeune Hollandais revenu vers eux et qui fait s’enfuir les deux bêtes.

Le 3 mars, le guide laisse la colonne à proximité de la frontière mais l'ascension n'est pas terminée.

Les évadés vont rencontrer encore d'énormes difficultés et risquer maintes fois leur vie. Ils devront tailler des marches dans la glace avec l'unique piolet.

Les gelures atteignent certains d’entre eux. Le soir du troisième jour, ils arrivent à Montharri du côté espagnol. Les gens du village diront «Non, c'est impossible ! Personne ne pouvait passer le Pic de Montvallier en février.»

Toutefois, le 4 mars, alors que deux garçons qui souffraient de problèmes de pieds sont restés sur place, le groupe réduit à 31 personnes descend dans le Val d'Aran et entrent dans le village espagnol d' Alós d'Isil où la garde civile les arrête.

 

  • Les 7 et 9 mars 1944, 31 réfugiés sont emprisonnés à la prison de Sort[1] en Espagne.

Photographies de la prison de Sort (Prison pour hommes,                 prison pour femmes)

 

 

 

 

 

Sur le cahier d’écrou de la prison de Sort, ces évadés sont inscrits sous diverses nationalités belge (1), canadienne (2), française (2), hollandaise (4), palestinienne (2), polonais (18), russe (2) : 15 personnes le 7 mars 1944, dont FELL William, canadien LAVOIE Yves canadien, FICHER Back, français.. et 16 hollandais le 9 mars 1944.

 

[1] Situé à 44 km d’ Alós d'Isil. La prison pour hommes occupait le bâtiment situé au numéro 5 de la Plaça Sant Eloi et avait une superficie totale de 24 m2. La façade extérieure était recouverte de barres de fer. Une seule fenêtre était la seule source de ventilation. Il y avait des latrines et un robinet avec de l'eau courante pour permettre aux détenus de se laver. La prison pour femmes, située au numéro 6 de la même rue, avait une superficie de 14 m2.

Remarques sur ces deux relevés :

1.  Sur la liste du 7 mars sont inscrits Fell William canadien, Lavoie Paul canadien et Ficher Back français qui pourraient être les fausses identités de Egly, Rehheiser et Rudloff. 

Comme cela a déjà été constaté sur ce cahier, de nombreux évadés avaient changé leurs identités pour protéger les familles restées en France et pour faciliter leur prise en compte en Espagne par les ambassades des pays alliés.

Par exemple, concernant le résistant châlonnais Rehheiser, son pseudonyme dans les archives du Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et Déportés de la région de Toulouse était Lavoie. De plus, l’aviateur canadien Lavoie avait informé sa famille que son nom aurait pu être utilisé par un autre évadé de France.

D’après le Livre « They came from BURGUNDY (Ils sont venus de Bourgogne) », à cette date les aviateurs Fell, Lavoie et Fisher étaient au château Frouard chez M. et Mme Larromet à Meillon [Hautes-Pyrénées].

2. La nationalité hollandaise est très présente dans cette liste ; 18 hollandais(es).

Le témoignage de Joseph Heinrich est enrichissant à ce sujet.

Ses parents juifs allemands ont été envoyés et exécutés dans les camps d’extermination créés par le régime hitlérien à partir de 1933.

Un million d’enfants juifs ont subi le même sort.

Les dix enfants Heinrich ont pu être protégés, soit en partant en  Palestine, soit au Pays-Bas.

Ce fut le cas, le 15 novembre 1938, Joseph (14 ans), son frère cadet (12 ans) et sa sœur Lorle (8 ans) sont envoyés en Hollande avec un groupe d’environ 25 enfants.

A partir de ce moment, leur clandestinité et leur transfert à travers vers l’Espagne seront assurés par le groupe de résistance hollandais Weterweel.

Les deux frères Heinrich avec d’autres enfants  juifs (originaires des pays de l’Est de l’Europe, mais devenus apatrides) ont quitté la Hollande en avril 1943 et ont atteint les Pyrénées ariégeoises en février 1944.

Photographie ci-dessous, issue du témoignage de Joseph Heinrich :

 

 Les 16 jeunes qui ont traversé les Pyrénées le 9 mars 1944. Joseph Heinrich est en dernière ligne, 3éme à partir de la droite.

 

Ce groupe se rendit d’abord à Lérida, puis à Barcelone.

Finalement, en octobre 1944, le bateau Le Guinée quitta Cadix pour la Palestine avec à son bord cent soixante-quinze jeunes juifs[1] qui avaient traversé illégalement les Pyrénées.

 

[1] Plusieurs autres traversées comprenant des juifs (autorités, jeunes issus des groupes agricoles du Lot et Garonne, du Rhône et du Tarn (généralisation des rafles) ou de lieux de regroupement ou d’internement français (Agde, Aulus les Bains, Gurs, Luchon, Rivesaltes,…) apparaissent sur le cahier d’écrou de Sort, en particulier celui du 13 mai 1944 (33 personnes) particulièrement tragique mené à partir de la zone d’Urau [Journal 1939 – 1945. Une famille juive alsacienne durant la seconde guerre mondiale de Samuel Jacques]

  • Traversée des Pyrénées béarnaises par les quatre aviateurs canadiens, à savoir Fell, Fischer, Lavoie et Reain.

En ce qui concerne, les quatre aviateurs, fin février 1944 la décision est prise d’utiliser une des filières d’évasion des aviateurs alliés du Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre (M.R.P.G.D) de la Région toulousaine R4 pour les faire passer en Espagne, par le Béarn (.., Pau,..).

De nombreux membres du groupe Linzau (Dilhan, Sentenac) et même Mme Andrée Larromet de Meillon (voir ci-dessous) étaient des correspondants de ce mouvement.

Environ trois jours avant le départ, Lavoie, seul aviateur parlant le français, fut envoyé à Toulouse afin d'obtenir un permis leur accordant une certaine somme d'argent pour acheter des chaussures.

  • Vers le 2 mars 1944, les aviateurs partent pour Toulouse où on leur a demandé de prendre contact avec un homme portant un chapeau noir et un manteau marron.

Cet homme a dit qu'il appartenait à une organisation appelée 'Prisonniers de guerre évadés[2]'.

Il les a emmenés chez lui à Toulouse (2) pour prendre des photos pour de nouvelles cartes d'identité.

 

[1] C’est ainsi que :     

- Maurice Reihheiser ( né le 18/07/1910 à Reims et décédé le 16/01/2000 dans la même ville) est affecté aux services spéciaux de la France libre à Alger,.

- Henri Egly (né le 04-08-1911 à Moyenmoutier (88 - Vosges, Lorraine), décédé le 31 mai 1988 à Châlons en Champagne, à l’âge de 76 ans). Bien après la guerre, M. et Mme Egly vinrent manifester leurs reconnaissances aux salisiens.

- René Rudloff (né le 5 mai 1923 à Châlons, réfractaire au Service du Travail Obligatoire) s’engagera à  Casablanca dans les ailes françaises et partira le 14 juin 1943 en Amérique du Nord pour acquérir la formation professionnelle nécessaire à son engagement dans  l'Aéronautique navale. Plus de 8000 jeunes aviateurs ou marins partent ainsi conquérir leurs ailes de pilotes en Amérique du Nord de 1942 à 1958. Après la guerre, il sera embauché comme co-pilote à la société Union aéromaritime de Transports et décédera de mort brutale au cours d'un vol de retour de Dakar à Paris  le 9 juillet 1957.

[2] [Page 153 du livre Histoire du M.R.P.G.D. de Michel Cailliau (neveu du Général de Gaulle)]

Les quatre aviateurs (Reain, Lavois, Fell, Fisher) auraient été récupérés par Jacques Auguste dit Yves Chatelain ou Yves (né le 5 septembre 1912 à Villers en Prayères Aisne (02), décédé le 19 octobre 2015 à Noirmoutier-en-l'Île Vendée (85)), le responsable toulousain du mouvement.

Le message de remerciements envoyé par ces mêmes aviateurs aux responsables MRPGD de la région toulousaine le précise également : « Monsieur, c'est pour certifier que Jacques Auguste nous a rendu une grande aide pour sortir du territoire occupé par l'ennemi. Très sincèrement vôtre.»

Tout a une belle fin : le message d’arrivée à bon port des quatre aviateurs était « Les hirondelles se sont bien posées ».

Le soir, ils furent hébergés à Muret[1] (3), séparément  dans différents logements de la ville.

Puis ils ont pris le train en direction de Pau.

Les quatre aviateurs ont été séparés, Lavoie et Fisher étaient dans un wagon situé en fin du train.

Pour leur part, Reain et Fell étaient dans un wagon de tête avec deux accompagnateurs[2].

Le 3 mars à 5h00 du matin, ils arrivent à Meillon [64] (4), et se rendent au centre-ville au château Frouard appartenant à M. Roger et Mme Andrée Larromet[3].

Les Larromet avaient un ami qui pouvait leur faire passer la frontière, ce dernier leur a conseillé d’attendre à cause de la neige.

Vers le 25 mars, les Larromet les emmenèrent à Pau (5)où ils passèrent la nuit chez une dame âgée appelée Pauline[4] et furent interrogés par deux jeunes femmes, une Anglaise (Joan Moy-Thomas[5]) et une Américaine (Rosemary Maeght[6]).

Ils passèrent les quatre nuits suivantes à différentes adresses.

Lavoie et Fisher sont hébergés par Françoise Lippmann[7] et sa fille Paule.

Récit de Paule « Un jour, quatre aviateurs, deux Américains, un Canadien et un Anglais. Nous en cachons deux à la maison pendant trois semaines : l’Anglais et le Canadien, Yves Lavoie, qui plus tard, nous adressera un paquet et une lettre. Parfois nous tremblons un peu car une pétainiste loge dans l’appartement du dessous. Nous nous réconfortons en nous persuadant qu’elle n’est pas une personne à dénoncer qui que ce soit. Elle ne le fera pas. Un soir, nos parachutistes partent comme les ouvriers allant travailler à la montagne et nous disent : ‘’Si un jour vous entendez à la radio : les quatre hirondelles se sont posées, vous saurez que nous avons réussi’’ ». Quelque temps après, le message est diffusé, Paule Lippmann et sa mère sourient à l’espoir.

 Les quatre aviateurs reviennent chez Pauline la cinquième nuit, après quoi ils furent mis dans un bus pour Navarrenx (6) (64190) où on leur dit d’aller à l'Hôtel du Commerce (Mme Marthe Camdeborde).

Ce soir-là, ils ont été récupérés par un homme avec une voiture et conduits pendant environ une heure – leur groupe étant désormais neuf – jusqu'à une grange où deux autres hommes les ont rejoints.

Ils partirent à dix heures du soir et marchèrent jusqu'à environ une heure et demie du matin lorsqu'ils s'arrêtèrent devant une maison pour prendre du lait et du pain.

Puis ils continuèrent leur route pendant encore une demi-heure jusqu'à une grange où ils passèrent le reste de la nuit.

 

[1].Henri Chiffre (gueule cassée de 1914-1918) cadre du MRPGD/Toulouse  était agent général d’assurances à Muret et responsable de la création des filières de passage vers l’Espagne.  Vincent Auriol ancien maire de Muret et futur président de la république en 1946 fut également un correspondant de ce mouvement avant de rejoindre le Général De Gaulle.

[2] Reain dans sa vidéo de 2002 ne donne pas le nom des accompagnateurs (un jeune français et le neveu). Ce neveu pourrait-être René Rudloff, déjà désigné comme le neveu du policier.

Pour l’instant, le lien familial avec Maurice Rehheiser n’a pu être établi. Les autres témoignages précisent que Rudloff était passé avec Rehheiser et Egly par les Pyrénées ariègeoises.

[3] Andrée, Marie, Albertine Larromet pseudo Rose (née Petitjean le 19-07-1901 à Châlons-en-Champagne (51 – Marne) Fille de Léon (35 ans (1866), pâtissier) et de  Zoé, Joséphine, Gérard (33 ans (1868) domiciliés à Châlons, place de la république.

Mariée pour la 3éme fois le 22/12/1931 à Paris (19éme) avec Roger, Jacques Larromet. Elle rejoint son mari à Bamako au Soudan, avant de s'installer à Meillon, dans la villa Les Islettes, vaste bâtisse plantée au bord du gave et qui domine un archipel de petites îles.

Elle a aidé les espagnols  républicains arrivés suite à la guerre d’Espagne (Retirada) puis les juifs d’origine étrangère enfermés au camp de Gurs (50 km de Meillon).

En 1942, elle a rejoint un réseau de la Résistance sous le pseudonyme de Rose. En lien avec les services secrets britanniques, elle a caché des aviateurs anglais et canadiens et les a mis en contact avec les passeurs qui les conduisaient à pied à travers les Pyrénées.

Elle dépendait aussi du réseau tchèque Rossi.

Elle se rendait régulièrement à Toulouse chez l’imprimeur Lion pour imprimer des journaux et des tracts clandestins. C'est elle qui va accompagner Jeanne-Marie Olazabal (épouse du passeur « Michel le Chauve » ) dans la région de Toulouse, où elle accouchera clandestinement en août 1943. Son mari passera 953 évadés avant le drame du 23 juin 1943 (37 déportés) et de passer en Espagne à son tour.

Elle a été décorée de la Médaille de la résistance avec étoile d'argent des mains du général De Gaulle le 10 novembre 1944.

Mme Larromet est décédée le 1 août 1994 à Pau.

[4] Pauline Hélène Lignac (en janvier 1906) du 28 Boulevard Barbanegre Pau. Elle avait acheté le 1er octobre 1941 un fonds de commerce de coiffure pour dames et parfumerie Palais des Pyrénées. Ce n'était pas la première fois que Pauline Lignac aidait des évadés – on lui attribue l'aide d'un total de seize hommes. deux certificats attribués pour l’aide apportée aux soldats anglais et à ceux de l’U.S. Army entre 1939 et 1945. Elle a été décorée de la croix de guerre avec étoile de bronze.

[5] Joan Caroline Moy-Thomas habitait au 18 rue Louis Barthou à Pau née le 6 mai 1907 à St George Hanover Square à Londres,  avait deux frères plus jeunes qu’elle, James et Edward.

En 1941, James était lié au renseignement de la force aérienne royale britannique « RAF ».

Son frère Edward est décédé en septembre 1944 en service actif, lors d’une  opération aéroporté de contrôle de ponts sur la Meuse, le Waal et le Rhin aux Pays-Bas.

Joan est décédée le 6 mai 1988 à Dacorum, Hertfordshire Angleterre.

[6] Rosemary Wright est née dans le Massachusetts aux États-Unis en 1915. Sa mère était anglaise et elle a fait ses études dans une école privée à Ascot.

En 1939, Rosemary part vivre à Pau, en France, après avoir épousé Pierre Raymond Maeght. En 1941, elle rejoint la Résistance française et commence à cacher des soldats et des aviateurs qui tentent de regagner la Grande-Bretagne. . Elle était en liaison avec la comtesse Anne de Liedekerke et sa fille Isabelle qui habitaient dans un grand château (Castel de l'Array, avenue Trespoey).

Sa principale mission était de trouver des guides pour emmener des hommes à travers les Pyrénées. À la fin de la guerre, elle avait permis à 90 personnes d'accéder à la liberté. Elles étaient membres depuis septembre 1942 - du réseau de renseignements français Basse-Espagne qui utilisait le ‘’Castel’’ comme relais pour le courrier à destination d'Alger du réseau français Bourgogne.

[7] Françoise LIPPMANN (Françoise Paule Marthe LIPPMANN) née à Biarritz (64) le 30 juillet 1902, décédée le 11 juillet 1990 à Pau (64000), et sa fille Paule Lippmann (native de Bidart (64210) vivait rue Castelnau à Pau. Elles appartenaient toutes les deux aux Forces Françaises Combattantes du Réseau Base Espagne. Base Espagne sera la plus importante organisation départementale de passage des Pyrénées en 1943 et 1944. Elle coordonne les évasions pour une trentaine de réseaux. Elle disposait de 18 filières de passage.

Ils repartirent le lendemain soir, marchant vers une autre grange où ils restèrent deux nuits, y étant rejoints par un autre groupe d'évadés.

Le 29 mars, Yves Lavoie, Alvin Fisher, Frederik Reain, William Fell et Leurs compagnons ont marché de neuf heures du soir jusqu'à trois heures du matin le lendemain, puis ont dormi, jusqu'à six heures du soir.

L'ensemble du groupe traversa les montagnes avec deux changements de guides et franchit la frontière quelque part à l'ouest du PC de Lacoura à six heures du matin le 1er avril 1944.

Avant de les quitter, leurs guides leur indiquèrent comment suivre la rivière Minchate jusqu'à Ustarroz, et le chemin jusqu'à Isaba.

Les évadés furent arrêtés par la Guardia civil à Ustarroz (7) en Espagne et emmenés à Pampelune.

Le lendemain, ils furent emmenés à Lecumberri.

 

 

Puis à partir du 1e avril, ce sont des hommes libres qui traversent l’Espagne (Isaba, Pampelune, Alhama, Madrid) vers Gibraltar avec les moyens de l’époque.

Albin Robert Fischer et Yves Lavoie ont rejoint l’Angleterre le 2 mai 1944, et William Edward Fell le 6 mai 1944.

A peine arrivé à Gibraltar, le pilote Frederick Reain a repris du service en tant que co-pilote et a été rapatrié en Angleterre par DC 3 le 5 mai 1944.

William Fell, a quant à lui, été rapatrié le 6 mai 1944.

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Version de l’ingénieur Fell : « La traversée des Pyrénées a été une véritable expérience.  Nous avions trois guides pour le voyage, un par jour, et lorsque le guide vous prenait, il voulait vous emmener aussi loin qu'il le pouvait.

 Nous n'avions donc pas beaucoup de repos. Ils nous prenaient, nous emmenaient dans leur partie du voyage et nous remettaient au suivant.

Je me souviens que le dernier jour, nous étions au sommet d'un glacier et notre guide nous a dit : « Descendez comme je l'ai dit. C’est la frontière entre l'Espagne et la France, descendez au bas du glacier, il y a un petit ruisseau qui vient de la glace. Suivez-le jusqu'à la première ville. C'est ce que nous avons fait. Nous sommes arrivés dans la petite ville de Lekunberri.

Le maire ne savait pas quoi faire de nous, il n’y avait pas de poste de police, alors il nous a mis dans un poulailler pour la nuit. Et si vous avez déjà été dans un poulailler, il n'y a pas de place pour s'asseoir.

Éventuellement, quelqu'un est venu nous chercher et nous a emmenés dans un camp de concentration (en fait, un camp d'internement pour le personnel militaire) où nous sommes entrés en contact avec l'ambassade britannique et nous avons finalement été emmenés à Madrid, puis à Gibraltar. »

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Pour résumer cette belle solidarité entre citoyens du monde, laissons la parole aux vétérans canadiens.

- Fred Reain (87 ans)  en 2002 : « Les français en général, j’avais un grand respect pour eux mais je me suis souvent demandé si je ferais la même chose pour eux si nos règles étaient inversées. »

 

- William Fell (82 ans) en 2002 : « Vous devez vous rappeler que nous n'étions que des enfants,  c'était une grande aventure. C'était passionnant. Nous n'avons jamais pensé ne pas revenir.

Avec le recul, on se rend compte que c'était dangereux, mais rien ne nous empêchait d'y aller parce que c'était excitant.

Une chose que nous avons retirée du service, c'est qu'il n'y a pas de héros. Nous prenions soin de nous-mêmes et des autres. Mais il n'y avait pas de héros.»

« BELLORGET André, le directeur de l’école et secrétaire de mairie de Figarol, originaire de Châlons sur Saône, reçoit début février d’un membre de la résistance chalonnaise (groupe "bleu et jonquille") le message « le domestique destiné à Chein arrivera à Mane samedi 5 février 1944 par l’autobus du soir ».

A l’arrivée du bus, il accueille 3 chalonnais et quatre aviateurs canadiens dont l’avion a été abattu par la DCA allemande. Immédiatement, il les conduit à l’hôtel Ducos de Mane.

Les chaines d’évasion changeant tous le temps, il part le lendemain se renseigner auprès des frères Lion imprimeurs rue Croix-Baragon à Toulouse. Malheureusement, les frères Lion ont été arrêtés 2 jours avant, le 4 février par la gestapo. De retour à Mane, il repart voir les sept personnes pour leur dire que sa recherche n’a pas été positive. Heureusement, le groupe Linzau doit les conduire dès le lendemain à Urau en attendant leur départ le 28 février, vers l’Espagne pour Londres et l’AFN.

 

Lettre de Linzau

Lettre de Linzau

Lettre de Mme Veuve Linzau

Lettre de Mme Veuve Linzau

lettres de Jean Bartoli - Lettre de Yvon Morandat

lettres de Jean Bartoli - Lettre de Yvon Morandat

Le parcours des évadés de France passés par l'Espagne - Le sauvetage des aviateurs canadiens

Récit dans la Gazette du Comminges n°911 du 28 mai au 2 juin 2025.

 

En effet peu de personnes le savent mais quatre Canadiens ont échoué en Comminges durant la seconde guerre mondiale. Cités dans l’article évoquant le groupe de Résistance Linzaut paru dans nos colonnes en 2023, leurs familles se reconnaissent, surtout les enfants de l’aviateur Yves Lavoie.

Un complément d’étude est lancé par un habitant salisien passionné de cette période.

Il relate alors le périple sur les routes du nord de la France jusqu’au Comminges et enfin leur arrivée en Espagne.

Un crash en Champagne, une cavale vers le Sud La nuit du 20 au 21 janvier 1944, un bombardier Halifax de l’Aviation royale canadienne est abattu au-dessus de la Marne, près de Châlons-sur-Marne. À bord, sept membres d’équipage. Trois d’entre eux seront rapidement capturés ou exfiltrés par la Résistance. Les quatre autres – le Canadien Yves Lavoie, Frederick Reain, Robert Fisher et Edward Fell – échappent aux recherches. Recueillis par le réseau de Résistance Bleu et Jonquille, les aviateurs sont placés sous la protection de Maurice Rehheiser, policier résistant de Châlons. Rehheiser, déjà sous surveillance, décide de quitter la zone avec les aviateurs, accompagné de deux jeunes Français, Henri Egly et René Rudloff, réfractaires au Service du travail obligatoire. L’objectif : l’Afrique du Nord via l’Espagne.

Du Nord à l’Occitanie, une filière clandestine Le 4 février 1944, le groupe quitte Épernay en train, direction Paris, puis Toulouse, et enfin Mane, en Haute-Garonne. Là, un homme les attend : André Bellorget, directeur de l’école et secrétaire de mairie, lui-même ancien prisonnier évadé. Grâce à ses liens familiaux avec des résistants châlonnais, il prend le risque de les loger une nuit à l’hôtel Ducos. Le lendemain, il tente de réactiver un réseau de passage via Toulouse, chez les imprimeurs résistants Lion. Mais la Gestapo a frappé quelques jours plus tôt. Les frères Lion ont été arrêtés. Bellorget, tombé dans un piège, réussit miraculeusement à échapper à l’interrogatoire. Le groupe doit changer de plan.

C’est alors qu’intervient le réseau Linzau, actif dans le canton de Saliesdu-Salat. Le 6 février, les sept fugitifs prennent le bus pour rejoindre Labastide-du-Salat. Là, ils sont accueillis par Paul Frêche, membre du groupe Linzau. On les conduit ensuite jusqu’au village d’Urau. Dans les bois, au lieu-dit Le Plan, Paul et Marie-Louise Cante leur offrent l’asile dans une ferme isolée. Pendant près d’un mois, malgré la neige et les risques, le couple les ravitaille discrètement chaque nuit, à 23 heures. La solidarité s’organise en silence autour d’eux : gardechasse, agricultrice, laitier… tout un village veille sur les évadés. Les conditions sont difficiles, l’hiver rude. Mais l’organisation s’affine.

La Résistance locale prend contact avec le Mouvement des Prisonniers de Guerre et Déportés (M.R.P.G.D.) de Toulouse, auquel appartient Linzau. Ensemble, ils préparent la traversée des Pyrénées. Le 28 février, le groupe se divise. Les trois Français – Rehheiser, Egly et Rudloff – partent avec une colonne d’une trentaine de jeunes apatrides, encadrés par un guide. Leur itinéraire passe par le Mont Valier, à plus de 2800 mètres d’altitude. Le froid, l’épuisement et les intempéries rendent la progression périlleuse. Le guide abandonne le groupe près de la frontière.

Le 4 mars, ils atteignent enfin Alós d’Isil, en Espagne, où ils sont arrêtés par la garde civile. Internés à Sort, ils devront attendre fin juin pour rejoindre l’Afrique du Nord. Les aviateurs, eux, passeront par les Pyrénées béarnaises. Malgré des conditions également extrêmes, ils atteignent l’Angleterre début mai 1944 : Fisher et Lavoie le 2, Reain le 5, Fell le 6. À temps pour assister, de loin, à la préparation du Débarquement.

Dans les familles du Comminges, le souvenir de cette histoire a traversé les générations. Les enfants de Paul et Marie-Louise Cante ont raconté comment leurs parents cachaient les hommes dans les bois. Leur petit-fils se souvient encore des prénoms murmurés par sa grand-mère : Bob, Yves, Maurice. Et ce détail rare : elle avait griffonné leurs noms sur une photo, à une époque où la prudence imposait l’anonymat.

Zoé Gauthier

Tag(s) : #Résistance, #Guerres, #Canada, #Canadiens, #Urau, #Salies-du-Salat, #Mane, #Figarol, #labastidedusalat, #Comminges, #39-45
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