La lutte biologique au potager
AU SOMMAIRE

Consistant à limiter le nombre de nuisibles grâce à leurs ennemis naturels, la lutte biologique a toute sa place au potager. En ciblant plus précisément les agresseurs des tomates, poivrons, pommes de terre et autres légumes, elle rétablit un équilibre plus naturel entre les divers êtres vivants qui peuplent les jardins. Les insectes, petits mammifères, micro-organismes, se chargent de protéger le potager des divers acariens, pucerons, piérides, mais aussi de certaines maladies cryptogamiques. Pour cela, il faut soit introduire, soit attirer tous ces auxiliaires au jardin, alors on ouvre les portes !!
Qu’est-ce que la lutte biologique au potager ?
La lutte biologique consiste à lutter contre les agresseurs des cultures (insectes nuisibles, maladies, plantes indésirables) grâce à des “organismes vivants antagonistes”, c’est-à-dire des ennemis naturels de ces nuisibles. On appelle ces organismes des agents de lutte biologique. Le but affiché de cette lutte n’est pas d’éliminer totalement les ravageurs mais plutôt de maintenir leur nombre à un niveau acceptable pour les cultures, car tous ont un rôle, ne serait-ce que d’être la nourriture des auxiliaires du jardin !
Les auxiliaires utiles du potager
La lutte biologique se base sur les interactions entre certains auxiliaires, appelés les agents de lutte biologique, et les ravageurs. Ces auxiliaires, les fameux organismes vivants antagonistes, sont nombreux et font partie de presque toutes les strates du vivant, du plus grand au plus petit. Ils peuvent être des insectes, des oiseaux, des mammifères, mais aussi des virus, bactéries, champignons, ou encore des parasites*. L’interaction peut être du type prédateur/proie, ou bien parasite/hôte, ou encore agent pathogène/hôte, ...
* Certains incluent les végétaux dans la lutte biologique.
Les prédateurs
Insectes et autres invertébrés
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Les coccinelles, dont les larves surtout dévorent des centaines de pucerons. Adalia bipunctata est spécialisée dans les pucerons noirs et verts, et sera utilisée dans les arbres, arbustes et plantes à grand développement, notamment les fruitiers. La Coccinella septempunctata apprécie les mêmes pucerons mais s’utilise dans les plantes basses du potager. À utiliser uniquement en curatif.
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Les syrphes, à l’état larvaire, se nourrissent de nombre d’insectes : pucerons, tétranyques. Elles apparaissent dès le printemps et seront attirées par des floraisons précoces autour ou dans le potager.
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Les carabes ont un régime de limaces et escargots de vers blancs ou gris, et autres proies.
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Les chrysopes, autant à l’état de larves qu’adultes, se nourrissent de pucerons, et en leur absence, de cochenilles, thrips, araignées rouges, piérides du chou, …. Elles sont extrêmement utiles au potager et sont à utiliser uniquement en curatif.
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Les araignées sont spécialisées dans les invertébrés qui volent.
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Les perce-oreille, insectes opportunistes, s’attaquent eux aussi aux pucerons, mais aussi aux thrips et aux acariens.
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Les staphylins ont une nourriture variée : des gastéropodes, des mouches et des cochenilles, des acariens, ...
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Les guêpes solitaires mangent des chenilles, des vers blancs, des pucerons, des charançons.
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La cécidomyie (Aphidoletes aphidimyza) est une petite mouche dont les larves raffolent des pucerons (aubergine, concombre, courgette, fraisier, framboisier, melon, tomate, pois).
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La punaise Macrolophus pygmaeus est un grand prédateur des aleurodes, ainsi que des pucerons, des thrips, des larves de mouches mineuses (melons, poivrons, courgettes, aubergines, fraisiers). Macrolophus caliginosus, elle, cible particulièrement les aleurodes.
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Le Phytoseiulus persimilis, acarien qui se nourrit du tétranyque tisserand (légumes sous serre : concombres, poivrons, aubergines, melons, haricots, fraises, tomates). ...
Oiseaux
De très nombreux oiseaux sont insectivores. Parmi eux, quelques uns sont particulièrement utiles en tant qu’auxiliaires : la fauvette grisette au régime assez généraliste, la mésange bleue, gourmande de chenilles, coléoptères, mouches et autres pucerons, la bergeronnette printanière amatrice de coléoptères, la huppe fasciée, ...
Petits mammifères
Les hérissons se nourrissent la nuit de toute sorte d’insectes : entre autres limaces et escargots, mille-pattes, larves variées.
Les chauves-souris sont de grandes dévoreuses d’insectes. Sur les dizaines d’espèces qui vivent en France, toutes sont insectivores. Elles complètent le travail des oiseaux en chassant la nuit, les noctuelles par exemple, ou les carpocapses, mais aussi les moustiques !
Amphibiens et reptiles

Grenouilles, crapauds, lézards apprécient toutes sortes de chenilles et de gastéropodes. Les couleuvres débarrassent le jardin des petits rongeurs.
Les parasites et parasitoïdes
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Les nématodes sont des vers microscopiques particulièrement utilisés dans le cadre de la lutte biologique (bien que certaines espèces soient des ravageurs). En parasitant leur hôte et en se multipliant dans son organisme ils entraînent rapidement sa mort puis partent à la recherche d’un nouvel hôte. Comme de nombreux organismes vivants, c’est la quantité de nourriture qui détermine leur nombre, ils s’autorégulent. Les nématodes se répandent par arrosage au pied des végétaux agressés, sur un sol humide et qui doit le rester environ 1 mois. On utilise des nématodes contre les limaces, contre les fourmis, contre les charançons, les vers blancs (Heterorhabditis bacteriophora) et nombre d’autres nuisibles, donc dans tout le potager. Le traitement peut être soit préventif soit curatif.
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Les insectes : de nombreuses petites guêpes sont des parasites dont les hôtes sont des ravageurs. Les trichogrammes, par exemple, sont de microscopiques insectes oophages, des guêpes parasitoïdes, dont la larve se développe à l’intérieur d’un œuf hôte, généralement des œufs de papillons tels que les piérides, pyrales et noctuelles, et s’en nourrit. Les Aphidius (Aphidius ervi, Aphidius colemani, …) sont couramment utilisées pour lutter contre les pucerons, autant au potager qu’au jardin d’ornement car chaque espèce a un hôte préféré parmi les espèces de pucerons.
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Les arthropodes : certains acariens sont de voraces parasites. Le Phytoseiulus persimilis cible notamment l’araignée rouge. Celle-ci est présente généralement en milieu chaud et humide, sous serre ou dans les vérandas, s’attaquant à tous les végétaux dont les légumes.
Les agents pathogènes
Les agents de ce type de lutte sont souvent appelés “biopesticides”.
Les micro-organismes pathogènes sont un élément important de la lutte biologique et ils ont l’avantage d’être souvent très spécifique à leur hôte. Ils détruisent cet hôte soit en détruisant ses tissus, soit en causant une septicémie, ou encore en émettant un composant toxique
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Les bactéries : l’espèce la plus communément utilisée est Bacillus thuringiensis (Bt) qui fabrique des cristaux ayant un effet larvicide sur de nombreuses espèces de ravageurs, notamment les Lépidoptères. Les bactéries ont également un rôle dans la lutte biologique contre les maladies des plantes. Le biopesticide peut interagir avec l’agent pathogène ou bien provoquer une résistance du végétal face à cet agent pathogène, ou bien les 2 à la fois.
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Les champignons entomopathogènes combattent les insectes nuisibles, notamment Beauveria bassiana qui permet de lutter contre les aleurodes, les thrips, les charançons, les pucerons, et Verticillium lecanii qui vise aussi les aleurodes ainsi que les pucerons. Les champignons phytopathogènes, appelés biofongicides, protègent les végétaux : Penicillium, Trichoderma, Gliocladium sont utilisés contre la fonte des semis ou la pourriture racinaire. Il existe également des champignons mycoherbicides.
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Les virus se montrent eux aussi fort efficients, comme celui de la Polyédrose nucléaire contre la noctuelle du chou. Ils peuvent également être présents dans des insectes de manière naturelle (eux aussi tombent malades) et la contamination ne nécessite dans ce cas aucune intervention.
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Les Protozoaires, les Rickettsies, …
Tableau récapitulatif des agents de lutte biologique pour le potager
Ravageur |
Plantes potagères |
Organisme antagoniste |
Aleurode |
Tomates, aubergines, concombres, poivrons, haricots, fraises |
Macrolophus caliginosus, Macrolophus pygmaeus,Encarsia formosa, Eretmocerus eremicus,Amblyseius swirskii |
Araignées rouges |
Tomates, poivrons, piments, concombres, melons, aubergines, fraises, haricots, pastèques, raisin Cultures sous serre |
Phytoseiulus persimilis |
Chenille de noctuelles (vers gris) |
Tomates, aubergines, poivrons, choux, salades, poireaux, épinards, pommes de terre, ... |
Bt, Steinernema feltiae, Steinernema carpocapsae |
Courtilière |
Courges, fraisiers, tomates, pommes de terre... |
Steinernema carpocapsae |
Doryphore |
Pommes de terre, carottes |
Steinernema carpocapsae |
Limace |
Tous les jeunes plants de légumes |
Phasmarhabditis hermaphrodita |
Louvette (ou petite Hépiale) |
Salades, pommes de terre, fraises |
Heterorhabditis bacteriophora |
Mineuse de la tomate |
Tomates, aubergines |
Macrolophus caliginosus/td> |
Otiorhynque |
Fraises, myrtilles, raisin, framboises |
Heterorhabditis bacteriophora |
Piéride du chou |
Crucifères |
Bt |
Puceron jaune |
Cassissier, groseillier |
Hippodamia undecimnotata |
Puceron noir |
Aubergines, courgettes, concombres, melons |
Aphidius colemani |
Puceron vert |
Aubergines, courgettes, concombres, melons |
Aphidius ervi, Aphelinus abdominalis |
Puceron |
Aubergines, poivrons, courgettes, concombres, melons |
Cécidomyie, Coccinella septempunctata |
Taupins |
Pommes de terre, laitues, carottes, oignons, tomates |
Steinernema feltiae |
Tétranyque |
Tomates, aubergines, poivrons, courgettes, concombres, melons |
Macrolophus caliginosus, Phytoseiulus persimilis |
Thrips |
Aubergines, poivrons, concombres |
Amblyseius swirskii, Macrolophus pygmaeus |
Ver blanc (hanneton) |
Pomme de terre, carotte, betterave, navet |
Heterorhabditis bacteriophora |
À savoir : ce tableau est juste informatif. Chaque famille de ravageur comporte plusieurs espèces et les agents de lutte sont généralement assez spécifiques. Il est donc important de connaître l’espèce à cibler avant tout traitement.
Les méthodes de lutte biologique au potager
On introduit des auxiliaires dans le potager
Il s’agit de la lutte biologique par acclimatation. On sait que dans un espace naturel, un biotope, chaque nuisible a 17 “ennemis” naturels. Le meilleur antagoniste est choisi : celui qui a le plus de chance de s’établir à long terme, qui a une réelle efficacité sur le nombre du nuisible visé, et qui par contre ne risque pas de s’attaquer à d’autres auxiliaires.
On attire les auxiliaires dans le jardin
La lutte biologique par conservation s’appuie sur les interactions qui existent entre les ravageurs, leurs agresseurs et les végétaux. C’est en apportant aux agents de lutte biologique des conditions de vie idéales : refuge, nourriture, voire circulation, que l’on peut les attirer et favoriser leur multiplication.
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Les prairies fleuries attirent un grand nombre d’auxiliaires très variés. Outre les insectes pollinisateurs, de nombreux prédateurs y vivent et s’y multiplient, limitant le nombre de parasites. Plus le nombre d’espèces de végétaux cultivés est important plus le nombre d’auxiliaires augmente.
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En dehors des mélanges "tout fait" que l’on trouve dans le commerce, il est possible de tout simplement garder un coin de son jardin en friche. Les végétaux qui se développeront seront des espèces locales, idéales pour attirer des insectes et autres auxiliaires tout à fait adaptés à cet environnement.
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Les haies champêtres sont un refuge idéal pour de nombreux oiseaux et petits mammifères.
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La présence de plantes en fleurs tout au long de l’année et de végétaux à feuillage persistant est un bon moyen pour faire venir les auxiliaires aux alentours du potager.
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Pensez également à laisser des pierres, des branchages, de l’eau, des tapis de mousse : tous ces environnements variés sont autant de refuges.
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Les hôtels à insectes offrent à la fois le gîte et le couvert à de nombreuses espèces d’insectes auxiliaires.
On gêne le développement des ravageurs
La lutte autocide ou par confusion sexuelle
Dans la lutte autocide, ce sont des membres de l’espèce de l’agresseur qui contribue à leur disparition : des mâles stériles sont lâchés parmi la population locale afin de concurrencer les mâles fertiles et provoquer une drastique baisse de la reproduction.
De la même manière, on utilise des phéromones sexuelles d’une espèce afin de piéger les mâles ou bien de les désorienter afin qu’ils ne trouvent pas les femelles. Cette méthode est commune pour protéger :
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les arbres fruitiers, par exemple contre la tordeuse orientale du pêcher ou contre le carpocapse du pommier, ...
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les légumes, contre le ver de la carotte (Psila rosae), la teigne du poireau (Acrolepiopsis assectella), le taupin de la pomme de terre (ver fil de fer), la mineuse de la tomate (Tuta absoluta), …
Le produit est déposé au début du vol du ravageur.
Les associations de plantes
L’allélopathie ne correspond pas exactement à la définition de la lutte biologique mais elle est à la frontière de celle-ci. Toutes les plantes émettent des composés chimiques. Or certains d’entre eux ont une utilité évidente :
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Quelques plantes sont connues pour contrarier la germination des végétaux voisins, idéales donc pour limiter la croissance des adventices : l’origan (origanum vulgare), l’armoise (Artemisia annua), la luzerne contre le chardon, …
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Les soucis sont réputés pour attirer les pollinisateurs, mais aussi pour avoir un effet répulsif contre les nématodes et seront donc plantés auprès des tomates, des fraises, des poireaux, … On va associer endives, chicorées ou pissenlits aux tomates car les phénols qu’ils contiennent gênent la croissance du champignon qui provoque la fusariose. Après la culture du chou, laissez quelques déchets dans le sol qui vont libérer des produits soufrés toxiques pour les champignons provoquant la nécrose des racines des haricots que vous aurez pris soin de cultiver à la suite.
La rotation des cultures
La rotation des cultures empêche les organismes spécifiques à certains végétaux ou à certaines familles de se reproduire en rompant le cycle.
Les avantages de la lutte biologique au potager
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Pas de surdosage possible,
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aucun risque de pollution,
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les moyens de lutte sont le plus souvent ciblés et ne touchent donc que le ravageur visé.