Jugé insuffisant sur de nombreux points par la Commission européenne, le plan stratégique français, élaboré dans le cadre de la PAC, devrait être revu avant la fin du mois. Un calendrier serré qui laisse peu de marge de manœuvre aux parties prenantes.
Le serment fait à la jeunesse par le président de la République, Emmanuel Macron, de lui « léguer une planète plus vivable » et sa promesse d'une planification écologique contribueront-ils à faire bouger les lignes du plan stratégique national (PSN) élaboré dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune (PAC) ? L'occasion pourrait être belle pour le nouveau gouvernement de montrer sa bonne volonté en la matière. D'autant plus que les observations de la Commission européenne sur le projet français, transmises au ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie, le 31 mars dernier, se révèlent particulièrement sévères. Réponses partielles ou inexistantes aux conclusions du débat public, ciblage des aides inéquitables, imprécisions en termes d'indicateurs ou d'objectifs, manque d'ambitions et même risque de « déconversion » dans le domaine de l'agriculture bio… Les éléments de réflexion et les pistes d'amélioration ne manquent pas.
Une presque fin de non-recevoir
Rotation des cultures et couverture des sols
En attendant, une première réunion technique a eu lieu, jeudi 12 mai, entre la direction générale de la Performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) du ministère de l'Agriculture et les parties prenantes. Parmi les points litigieux sur le plan réglementaire à examiner figurent notamment deux bonnes conditions agricoles et environnementales (BCAE), jugées mal interprétées dans le PSN : la BCAE 7, sur la rotation des cultures, et la BCAE 6, sur la couverture des sols. En la matière, la Commission exige, en effet, que la totalité des sols soit concernée, et non pas seulement les zones vulnérables aux nitrates, comme le souhaite la France. « C'est déjà le cas pour 75 % des terres », argumente Arnaud Rousseau, vice-président de la FNSEA. Pour le quart restant, le syndicat veut s'assurer « que cette obligation est juridiquement tenable et qu'elle colle bien aux réalités du terrain ». D'où sa demande d'un complément d'expertises. « Si celui-ci montre que la PSN ne respecte pas les règles, alors il faudra se mettre en conformité », indique Arnaud Rousseau. Pour ces deux BCAE, les justifications françaises devront être à la hauteur afin de faire évoluer la position de la Commission européenne.
Autre point épineux, la certification Haute Valeur environnementale (HVE), dont le cahier des charges est en cours de réforme, hissée au même niveau que l'agriculture bio en termes d'indemnisation des agriculteurs. Revaloriser cette dernière revient à « dégrader » les indemnisations liées à la HVE. Un sujet qui mobilise particulièrement la plateforme Pour une autre PAC. « Il va falloir bouger sur ce cahier des charges », assure son président, Mathieu Courgeau, tout en doutant de la capacité du gouvernement à le finaliser dans les temps. Mais où placer le curseur ? Sur ce point, la FNSEA se montre plus que réservée. « La Commission européenne va devoir mieux expliquer ce qu'elle attend », commente Arnaud Rousseau.
Un calendrier très serré
Quel que soit le niveau d'ambition des parties prenantes, chacun devra sans doute faire preuve de pragmatisme car le calendrier s'avère désormais plus que serré. « Les agriculteurs ont besoin de connaître les règles avant le mois de juillet pour choisir leurs assolements, rappelle Arnaud rousseau. La Commission prévoit deux mois pour instruire le dossier. Le PSN devrait donc, théoriquement, lui être transmis au plus tard fin mai. Il y a urgence ! » De nouvelles discussions plus politiques devraient se dérouler dans les quinze prochains jours.
Quant à la HVE, elle pourrait être au centre d'une Commission nationale de la certification environnementale (CNCE), conclusive avant la fin mai. Ces nouveaux échanges seront-ils ouverts ou strictement formels ? Le vice-président de la FNSEA assure ne pas connaître les intentions de l'actuel ministre et s'il « aura à cœur de faire évoluer le PSN. » Mais il est certain, pour Arnaud Rousseau, que le calendrier actuel ne permet pas de rouvrir des négociations. L'État français envisagerait de transmettre ses réponses finales à la Commission la première semaine de juin. Quelles seront ensuite les orientations et les marges de manœuvre du nouveau ministre ? Réponse dans les jours à venir. La Commission, de son côté, a promis de tout faire pour adopter les PSN des États membres avant la fin de l'été.
Nadia Gorbatko, journaliste
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