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Le devenir d'au moins une quarantaine de projets de loi, de commissions d'enquête ou de textes réglementaires touchant à l'énergie, l'agriculture, l'eau ou les déchets vient d'être remis en question par la dissolution de l'Assemblée nationale.
Gouvernance  |  

Dimanche 9 juin à 21 heures, après les résultats des élections européennes, le couperet est tombé. À la suite du record historiquement haut de la liste du Rassemblement national, le président de la République, Emmanuel Macron, a « décidé de redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote » et donc de dissoudre l'Assemblée nationale. Une première depuis 1997. Ainsi, les nouvelles élections législatives, qui se tiendront les 30 juin et 7 juillet prochains, ouvrent non seulement une nouvelle période de réserve politique pour le Gouvernement, mais ont également pour effet d'interrompre un grand nombre de travaux législatifs et parlementaires.

En clair, les négociations et modifications des projets et propositions de loi sont arrêtées « et deviennent caduques », souligne la Direction de l'information légale et administrative (Dila). Quant aux commissions d'enquête et missions d'information en cours à l'Assemblée nationale, elles sont abandonnées et « devront être recréées par la nouvelle Assemblée pour reprendre leurs travaux ». Au Sénat, certaines commissions, comme celle des affaires économiques, ont annulé leurs travaux ; tandis que d'autres, comme la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable ou la commission d'enquête sur TotalEnergies, maintiendront leurs auditions ou réunions dans certains cas.

Du reste, la signature de nombreux textes réglementaires ainsi que le lancement de certaines consultations ou débats publics risquent d'être momentanément mis en pause et retardés, voire abandonnés en fonction du prochain gouvernement éventuel. Parmi l'ensemble des projets législatifs ou réglementaires concernés, plusieurs dizaines touchent à l'environnement.

Des avancées législatives sans avenir ?

Simplification. En premier lieu, ce mardi 11 juin, le Sénat devait voter, en première lecture, le projet de loi de simplification de la vie des entreprises (SVE) porté par le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire. Il en avait achevé l'examen le 5 juin dernier. Ce véhicule législatif constituait le vaisseau amiral du premier plan pluriannuel de simplification, présenté par Bercy en avril dernier dans la lignée de la loi Industrie verte.

Par ailleurs, toujours sur le plan de l'assouplissement administratif, une proposition de loi portée par le sénateur centriste Jean-Michel Arnaud, visant à revenir sur les compétences eau et assainissement des communes, reste entre les mains du Sénat. De même pour le projet de loi ratifiant l'ordonnance de décembre dernier pour transposer la nouvelle directive européenne sur le reporting de la durabilité des entreprises (CSRD) – ce qui, au passage, ne devrait pas simplifier la tâche de ces dernières.

Agriculture. Suspendus aussi, les travaux sur le projet de loi de souveraineté en matière agricole. Le texte, tout juste adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, devait être examiné en commission au Sénat dès cette semaine. « Une nouvelle fois, les décisions politiques vis-à-vis de l'agriculture française risquent de ne pas être tenues », déplore la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), qui appelle tous les partis politiques à mettre dans leur feuille de route le sujet du revenu agricole et des simplifications. « Les agriculteurs sont à bout de patience, ils ne supportent plus que les engagements ne soient pas tenus et exigent que le résultat des négociations engagées grâce aux mobilisations soit mis en œuvre dans la prochaine mandature. »

Énergie. Ce mardi 11 juin toujours, le Sénat devait examiner en plénière la proposition de loi de programmation de l'énergie. Adopté en commission des Affaires économiques le 29 mai, ce texte, déposé par des élus Républicains, visait à combler l'absence de projet de loi sur le sujet. Relance du nucléaire, objectifs en matière d'énergies renouvelables, mesures de simplification et de régulation étaient inscrits dans cette proposition de loi, dont l'examen est désormais suspendu, comme tous les travaux du Sénat en séance publique.

PFAS. Particulièrement médiatisée, la proposition de loi de lutte contre les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) restait en attente d'une deuxième lecture au Palais Bourbon, après son adoption à l'unanimité au Sénat, le 30 mai. Portée de longue date par le député écologiste Nicolas Thierry, elle misait sur l'interdiction de la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de certains produits contenant ces substances (cosmétiques, farts de ski, textiles d'habillement à l'exception de ceux conçus pour la sécurité des personnes) à compter de 2026 ou de 2030. Le tout en anticipation de la proposition européenne lancée par l'Agence européenne des produits chimiques (Echa), dont la nouvelle Commission européenne devra se saisir.

Fast fashion. Autre sujet d'attention, la proposition de loi visant à réduire l'impact environnemental de l'industrie textile attendait encore de se retrouver au Palais du Luxembourg. Adoptée, en première lecture, à l'Assemblé en mars, le projet de texte porté par la députée Horizons, Anne-Cécile Violland, reposait sur le renforcement du malus écologique pour les produits textiles liés à la « fast fashion » ou « mode express », associé à un score de durabilité reprenant le modèle de l'affichage environnemental.

Logements. Ces textes ne sont néanmoins pas les seuls dont l'avenir est incertain. Dans le domaine du bâtiment et de la rénovation énergétique, le projet de loi déposé au Sénat par Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du Logement, pour résoudre la crise actuelle doit encore être examiné par la Chambre haute du Parlement et devrait, a priori, passer entre les mains d'une Chambre basse recomposée à l'automne. Du reste, trois propositions de loi rejoignent la liste d'attente : celle sur l'indemnisation face au phénomène de retrait-gonflement d'argile (en deuxième lecture) ; celle en attente d'un vote en commission mixte paritaire (CMP) sur la transformation des bureaux en logements ; celle sur les outils de régulation des meublés de tourisme, également en CMP.

Biodiversité. La protection de la biodiversité n'est, en outre, pas en reste. Adopté à l'unanimité par l'Assemblée le 29 mai dernier, le projet de loi de ratification du Traité des Nations unies pour la protection de la haute mer (BBNJ) demeure désormais entre les mains du Sénat. À l'inverse, si le 11 avril le Sénat l'a adopté à l'unanimité, la proposition de loi du député Renaissance Anthony Brosse pour lutter contre le frelon asiatique reste suspendue à la composition de la nouvelle assemblée.

Mobilité. Enfin, dernier projet de texte mis à l'écart, la proposition de loi du député Renaissance Damien Adam, discutée dans l'Hémicycle le 30 avril, envisageait de renforcer les objectifs de verdissement des flottes automobiles des entreprises. Elle soutenait un objectif d'achat de véhicules à très faibles émissions de 90 % d'ici à 2032.

Enquêtes et missions d'information interrompues

À l'Assemblée nationale, les travaux en commission et en missions spéciales sont clos. Ainsi, les commissions d'enquête sur la perte de souveraineté alimentaire de la France et sur le montage juridique et financier du projet de l'autoroute A69 ne poursuivront pas leurs travaux. Il en va de même pour la mission d'information sur les concessions hydroélectriques, qui devait lancer ses travaux cette semaine, celle sur la loi contre le gaspillage alimentaire (Egalim), sur la rénovation urbaine lancée mi-mai ou encore la mission d'information sur les ressources naturelles stratégiques et les terres rares, dont les travaux ont été lancés début 2024.

En revanche, si les agendas ont été quelques peu modifiés, les travaux en commission et les missions spéciales vont se poursuivre au Sénat. L'examen du rapport de la commission d'enquête lancée par le groupe des Écologistes sur TotalEnergies est maintenu ce mercredi 12 juin. La commission d'enquête sur la production et la consommation d'électricité à 2035 et à 2050 et les missions d'information sur les architectes des bâtiments de France ou les inondations vont poursuivre leurs travaux, tout comme la mission sur le financement du ZAN.

Projets de décrets ou d'arrêtés en attente

Eau. Quoiqu'ils ne dépendent pas des activités parlementaires, les projets de décrets ou d'arrêtés en cours de consultation n'ont pas un avenir garanti. Celui-ci pourrait bien dépendre du bon vouloir des éventuels nouveaux membres du Gouvernement après les élections législatives. Cela pourrait être le cas, notamment, pour le projet de décret censé assouplir l'information du public local sur les plans de prévention du bruit (PPBE), dont la consultation s'est achevée le 30 mai. Idem pour le projet de décret, en consultation jusqu'au 24 mai dernier, visant à simplifier les modalités d'agrément des Accompagnateurs Rénov'.

Trois autres textes réglementaires concernent le secteur de l'eau. En commençant par le projet de décret, en consultation jusqu'au 24 avril dernier, de réforme des schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage), dont le but est d'alléger les procédures administratives pour les bassins qui n'en bénéficient pas encore. Même chose pour le projet d'arrêté, encore en consultation jusqu'au 19 juin, facilitant la création de nouveaux plans d'eau et pour le projet de décret autorisant l'utilisation de certaines eaux recyclées dans l'alimentation.

Économie circulaire. De plus, cette dissolution de l'Assemblée nationale, si elle conduit effectivement à une recomposition du gouvernement, pourrait repousser le lancement de certaines consultations particulièrement attendues. Pour les acteurs des déchets, il y a d'abord la mise en consultation publique du projet d'arrêté portant agrément de l'éco-organisme de la filière de responsabilité élargie des producteurs (REP) attachés aux bateaux de plaisance ou de sport. Même chose, ensuite, pour la mise à jour du cahier des charges de la REP emballages, qui doit accueillir un nouveau système de bonus-malus incitant à améliorer les performances de tri. Enfin, en écho à la proposition de loi contre la fast fashion, la publication du projet de décret formulant la méthode de calcul de l'affichage environnement reste en suspens.

La planification sera-t-elle débattue ?

Pour finir, la perspective de consultations publiques sur les projets de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et de stratégie nationale bas carbone (SNBC), qui devaient (enfin) démarrer après les élections européennes, s'éloigne encore davantage. Avec la dissolution, ces consultations seront, au mieux, repoussées après les législatives. Selon les résultats de ces élections, leur sort ou leur contenu sont plus qu'incertains. Pourtant, ces documents sont indispensables pour de nombreux acteurs et secteurs économiques, qui ont besoin de visibilité à cinq et dix ans sur la politique énergétique et climatique de la France.

La France devait d'ailleurs remettre, fin juin à la Commission européenne, son plan finalisé sur l'énergie et le climat (Pniec), censé détailler, entre autres, ses objectifs de développement d'énergies renouvelables et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mêmes incertitudes sur les suites qui seront données au grand débat public sur la planification de l'éolien en mer dont les conclusions devaient être présentées d'ici au 26 juin. De même, la présentation du troisième Plan national d'adaptation au changement climatique (Pnacc), annoncée pour l'été, pourrait, elle aussi, être compromise par les événements politiques.

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Sophie Fabrégat et Félix Gouty

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