Arriver à Saleich, petite commune du canton de Salies du Salat adossée au massif de l’Estélas, par un matin d’hiver avec la neige encore présente le long des maisons, c’est déjà une aventure… Dans le village, ce n’est pas la grande animation. Excepté chez Patrick Comestaz. Au 1er étage de sa maison, le salon, ou brule le feu de cheminée, est entièrement occupé par un immense voilier, un cinq-mats.
1,60 mètre de long, 1,15m de hauteur, il représente la maquette à un peu plus du 1/100ème d’un des plus grand cinq-mâts à voiles carrées jamais construit. L’original, le France II, mesurait 126 mètres, était large de 16,9 mètres, ses mâts atteignait 64 mètres de haut et il jaugeait 6255 tonneaux.
Pour l’histoire de ce beau voilier, « affecté à la ligne de Nouvelle Calédonie, il fut perdu le 11 Juillet 1922 sur les récifs, non loin de Nouméa, chargé de nickel. Encalminé, il fut drossé à la côte par une houle énorme. Echoué, il fut désarmé, mais ne put être renfloué ».
Mais lorsque Patrick Comestaz décide en 2003 de construire une maquette de grand voilier, il veut réaliser un bateau militaire et non un bateau de plaisance ou de commerce. Le bateau militaire est le France I : « quand j’ai téléphoné en 2004 à l’Amirauté de Bordeaux pour avoir les plans du France I, c’était un navire de guerre et il était interdit de communiquer les plans militaires. Du coup j’ai dû récupérer les plans du France II qui lui était un bateau commercial et je l’ai armé ! » Comme quoi la création est reine !
Minutieux dans la construction du voilier, il a noté sur un cahier d’écolier tous les plans côtés de la multitude de pièces que comportent le bateau, toutes ses heures de travail et le détail des fournitures employées.
« J’aurais dû poser 57 500 allumettes mais le 4ème pont du bateau, je l’ai fait en plexiglas, afin qu’on puisse voir l’intérieur et le protéger. Je n’ai donc utilisé que 30 788 allumettes... J’avais l’aide de Philippe, David et Delphine pour couper le soufre au bout.
J’ai utilisé 8,85 m de cordes pour faire les échelles qui montent dans les mâts, 62 mètres de laine pour tenir les voiles, 94 tubes de colle scotch et 750 g de colle à bois, 3,29 m2 de tissu pour les voiles, des dizaines de bobines de fil pour coudre les voiles à la main, du cuivre pour les canons, du bronze pour les armes, du bois pour les mâts, de l’ivoire pour les anneaux, etc…
Le 7 mai 2005 j’ai fait toutes les cuisines, les compartiments pour les gardes, les pièces de canon. Ce n’était pas des boulets qu’il envoyait, mais des obus avec de la poudre. »
Intarissable sur la construction du bateau, c’est dans les détails que l’on retrouve l’artiste : les marins façonnés de ses mains, les échelles en corde, les prisons, la chapelle, les chaloupes et les porte-chaloupes, toute la décoration de l’intérieur du navire, les escaliers, un marin qui lave le plancher, le garde de prison, la cabine des commandants, etc…
En 92, 93 Patrick Comestaz avait déjà fait l’honneur de la Dépêche en construisant un galion, le galion de Lafayette avec les jeunes du village. Nullement versé dans la charpenterie de marine, il travaillait auparavant le bois mais dans les scieries des environs : « je suis né à Paris dans la 14ème, ensuite j’habitais dans la Somme jusqu’en 1988. Ma famille est arrivée ici à Saleich. Les Pyrénées me plaisaient et je suis resté au village depuis tout ce temps ».
En 2011 une maladie grave l’empêchera de continuer la construction du bateau qu’il ne terminera qu’en 2017.
Quant au bateau qui occupe son salon, il souhaite en faire don à la commune de Saleich, à ses amis : « j’ai des amis ici heureusement. Je vis seul mais je ne suis pas tout seul. »