Dans ces petits villages, toujours quelques trésors cachés à découvrir, non pas d’or et d’argent mais de notre patrimoine. A Cassagne c’est la bascule, le poids public.
Il faut savoir qu’en France, entre la fin du XIX e siècle et le début du XX e, les bascules à bestiaux et produits agricoles étaient des outils indispensables à l'économie des campagnes, qui vivaient exclusivement de l'agriculture et de l'élevage. Elles étaient nécessaires aux négociations et transactions.
Jusqu’à la construction de l’actuelle mairie en 1954, « le poids public se trouvait », explique Jean Cazabet, maire du village de 1989 à 2014, « sur la place de la mairie, à côté du travail à ferrer du maréchal ferrant, devant chez Jean Montané. Avec la construction de la nouvelle mairie, le poids public a été déplacé vers la route de Marsoulas, à la fourche entre celle-ci et le chemin du Riou. »
L’histoire du poids public est liée à un impôt de notre pays : l'octroi. Il consistait à taxer divers produits qui entraient dans les bourgs ou les agglomérations, en fonction de leurs poids. Il fallait donc peser vin, charbon, chaux, bestiaux de boucherie, minerais, bois, grain, paille, etc... Et donc chaque municipalité a fait bâtir à l'entrée de sa commune un petit édifice appelé aussi pont à bascule qui disposait devant lui d'une plateforme de pesage. Ce tablier accueille tous les véhicules à peser, des charrettes et plus tard, camions, voitures, …
Dessous, dans une fosse, un système complexe de leviers permet de peser le chargement sur un plateau parfois entouré de barrières amovibles (pour contenir le bétail). Une fosse qui, si l’on en croit les souvenirs de Jean-Pierre Blanc, habitant de Cassagne, faisait la joie des enfants qui trouvaient dans cet antre à crapauds « énormes », un terrain de jeux à leur mesure !
Une cabine de pesage, un petit bâtiment, abrite le "bras" de l'appareil avec son contrepoids coulissant permettant de lire la pesée. Celle que l’on peut voir à Cassagne vient de la fabrique Ramondou de Toulouse. Ces bascules fonctionnent sur le principe de la balance romaine et sont d'une grande précision si elles sont bien réglées.
Avec la suppression de l'octroi en 1943, les poids publics perdent petit à petit de leur importance. Ils seront cependant encore largement utilisés, en libre-service, par de nombreux corps de métiers tels les agriculteurs pour peser leurs récolte, les animaux vendus, les cargaisons de fruits et de légumes, le blé, etc... Joseph Blanc, qui a été maire de Cassagne, expliquait dans sa monographie qu’en 1980 il y avait encore 80 pesées par an.
C'est un officier assermenté, le peseur, qui s'occupait de l'opération et délivrait des bons de pesage. Il faisait passer le véhicule en charge puis à vide, la différence donnant la quantité de marchandise livrée, selon le principe de la double pesée.
Jusqu’à son décès en 2001, le peseur était Emile Coumes, tailleur de son état. Ensuite, parce qu’elle habitait en face la bascule, ce fût et c’est toujours Yvette Cazabet qui reprit bénévolement cette fonction. Yvette se souvient du temps ou Emile Coumes assurait les opérations : « quand les gens venaient, le peseur se faisait donner, pour le dérangement, une buche s’il pesait du bois par exemple. On y venait peser des cochons et ensuite les gens les amenaient à l’abattoir à Salies ». La bascule peut peser jusqu’à 20 tonnes. Aujourd’hui il n’y a guère plus que 3 à 4 pesées par an. « Pour les pesées de moins de 5 tonnes cela coûte 3€,, jusqu’à 10 tonnes 5€ et au-delà, je ne sais pas, … ça n’arrive jamais ! », poursuit Yvette. « J’ai même pesé un bateau un dimanche après-midi. J’étais dans ma salle à manger, de l’autre cote de la rue, et par la fenêtre je vois un bateau ! C’était des personnes de Betchat, en Ariège, qui étaient venues peser le bateau. »