En analysant les programmes (lorsqu'ils existent), les déclarations et les récents votes parlementaires, il est possible de dessiner le mix énergétique qui sera défendu par les différentes forces politiques candidates aux prochaines législatives.
Dans la perspective des élections législatives, les 30 juin et 7 juillet prochains, les différents groupes politiques rivalisent, depuis quelques jours, de propositions pour limiter les factures énergétiques des Français en lien avec le pouvoir d'achat.
Ainsi, blocage des prix de l'énergie et des carburants (avec un décret dans les quinze jours suivant l'élection), annulation de la hausse du prix du gaz au 1er juillet et abolition de la « taxe Macron » de 10 % sur les factures d'énergie sont promis côté Nouveau Front populaire (NFP).
Le Rassemblement national (RN) s'engage, quant à lui, à baisser la TVA à 5,5 % (contre 20 % aujourd'hui) sur l'énergie et le carburant, dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificatif discuté au cœur de l'été. Jordan Bardella souhaite également négocier rapidement auprès de Bruxelles une dérogation aux règles du marché européen de l'électricité pour que la France fixe elle-même les prix en fonction de son propre mix (sans que cela garantisse un prix moins cher…).
Côté majorité présidentielle, Gabriel Attal promet une baisse du prix de l'électricité de 15 % l'hiver prochain, en se fiant aux tendances actuelles des marchés de l'énergie.
En revanche, les chefs de file sont moins prolixes sur la politique énergétique envisagée et le mix de demain, investissements qui seront pourtant déterminants pour la facture que les Français auront à payer dans le futur.
Plutôt nucléaire, ENR, ou un peu des deux ?
Si la dissolution de l'Assemblée nationale a repoussé sine die la consultation promise par le Gouvernement sur la troisième programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), on en connait cependant les grandes lignes depuis quelques mois déjà. Elles visent, à l'horizon 2035, 18 GW d'éolien en mer, 40 à 45 GW d'éolien terrestre et 75 à 100 GW de photovoltaïque. Le nucléaire existant doit quant à lui être optimisé et prolongé, avant d'être complété par la construction de 14 EPR. Un doublement de la chaleur renouvelable est également visé d'ici à 2035.
Du côté des autres groupes et alliances, le chiffrage est bien moins précis. Le NFP s'engage à faire voter une loi énergie-climat, visant la neutralité carbone en 2050. Pas de détails sur le mix énergétique envisagé, mais de grandes tendances : renforcer la structuration de filières françaises et européennes de production d'énergies renouvelables (de la fabrication à la production), faire de la France le leader européen des énergies marines avec l'éolien en mer et les énergies hydroliennes, et refuser la privatisation des centrales hydroélectriques. En revanche, silence sur le nucléaire, si ce n'est l'annulation de la fusion entre l'Agence de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de recherche sur la sûreté nucléaire (IRSN). La Nupes, qui regroupait un certain nombre des forces politiques du Nouveau Front populaire en 2022, s'engageait sur une planification pour un passage à 100 % d'énergies renouvelables en 2050 et une sortie du nucléaire, tout en soulignant les divergences entre les différentes sensibilités politiques, notamment sur l'abandon des projets EPR (auquel les Communistes n'adhèrent pas) ou encore l'optimisation et la prolongation du parc nucléaire existant (soutenues par les Socialistes).
Le Rassemblement national vise, quant à lui, un mix électrique bâti sur le nucléaire et l'hydroélectricité, y compris dans les Drom où les réacteurs modulaires (SMR) pourraient constituer une solution, selon un amendement porté par les députés RN lors de l'examen de la proposition de loi sur la programmation énergétique à l'Assemblée nationale, en mars dernier. Les énergies renouvelables sont, quant à elles, pointées du doigt, perçues comme coûteuses et déstabilisatrices pour le réseau, sauf la géothermie. Dans son programme pour les Présidentielles, Marine le Pen promettait d'ailleurs un moratoire sur le photovoltaïque et l'éolien, ainsi que « le démantèlement progressif des sites [éoliens] en commençant par ceux qui arrivent en fin de vie ». Le parti ne précise pas comment il compte réaliser le bouclage énergétique en attendant la mise en service, pas avant une décennie, des nouveaux EPR. Bouclage qui, selon de nombreux experts, devrait être fait grâce à la montée en puissance des énergies renouvelables. Quelques pistes ont été évoquées par le RN : la prolongation des centrales au charbon au-delà de 2027 et une porte ouverte à l'exploration et à l'exploitation d'hydrocarbures sur le territoire national.
Côté Républicains, si l'on se fonde sur la récente proposition de loi examinée au Sénat, le mix énergétique de demain se base sur le scénario N03 de RTE, autrement dit « le plus nucléarisé », en s'appuyant sur le parc existant et le lancement d'au moins 27 GW de nouveau nucléaire (dont 14 EPR et 15 SMR). L'hydroélectricité et l'hydrolien ont également une place dans ce mix.
Sophie Fabrégat, journaliste
Cheffe de rubrique énergie / agroécologie© Tous droits réservés Actu-EnvironnementReproduction interdite sauf accord de l'Éditeur ou établissement d'un lien préformaté [44259] / utilisation du flux d'actualité.