16 février 2025
Occitanie gèle deux projets de réouverture de lignes ferroviaires, Auvergne-Rhône-Alpes reprend les routes
Le régime de réduction des dépenses que l’Etat impose aux collectivités locales dans son budget 2025 s’élève à 2,2 milliards d’euros. Pour les régions, comme pour les départements et les municipalités, cela impose une réduction sévère des budgets, fonctionnement ou investissement, même si le montant est inférieur de quelque 40 % à ce qui avait été prévu dans le projet de loi de finances du gouvernement Barnier avant sa chute. Le ferroviaire va gravement en pâtir, comme l’indique l’une des régions les plus positives sur le sujet, l’Occitanie, qui réduit drastiquement ses engagements dans ce domaine.
L’Occitanie vient de rejoindre – dans une moindre mesure toutefois – sa voisine Auvergne-Rhône-Alpes dans son refus politique de se substituer à l’Etat, propriétaire du réseau, pour l’entretien ou la réactivation de lignes dégradées ou neutralisées. Les régions paient pour le matériel roulant de leurs TER, paient leurs sillons à SNCF Réseau, ont aidé l’Etat et SNCF Réseau à réaliser d’importants travaux sur un domaine qui n’est pas nominalement le leur.
187 millions d’euros d’effort exigé à l’Occitanie par l’Etat
L’effort demandé par l’Etat à la région Occitanie était évalué par cette dernière en décembre à 187 millions d’euros pour l’année 2025, « après 210 millions de baisse imposée et non compensée en 2023 et 2024 ».
Faisant du train l’ossature de son réseau de transport régional y compris dans certaines zones peu denses, l’Occitanie avait lancé en 2020 un plan rail d’un montant de 800 millions d’euros, demandant à l’Etat d’abonder à la même hauteur, pour régénérer ou rouvrir quelque 1.400 km de lignes du réseau de lignes de desserte fine de son territoire. Elle a annoncé dès le mois de décembre qu’elle suspendait deux de ses projets.
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Rame AGC du service TER Occitanie à l'entrée de Montpellier Saint-Roch, tandis qu'un TGV Ouigo est en partance sur la voie A. (Cl. RDS)
Le 10 décembre, Carole Delga, présidente du conseil régional d’Occitanie, annonçait déjà, au sujet d’une réouverture de la ligne (Millau) Sévérac-le-Château-Rodez : « Les circonstances budgétaires nous imposent, pour l’heure, de suspendre le projet ». Le 19 décembre, lors du débat d’orientation budgétaire en séance plénière au Conseil régional, elle confirmait : « La région arrêtera de pallier les désengagements de l’Etat, notamment en matière d’investissement ferroviaire, pour un réseau dont l’Etat est propriétaire ». Elle reprenait ainsi presque mot à mot l’argumentaire de Laurent Wauquiez quand, président du Conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes, il se refusait – mais c’était avant la réduction des budgets de l’Etat – à participer au financement de réouvertures en invoquant la responsabilité financière de l’Etat sur son domaine propre.
La région Occitanie avait entrepris de réaliser la réouverture de Montréjeau-Luchon, d’Alès-Bessèges, de Limoux-Quillan, de Séverac-le-Château-Rodez et de la réintroduction d’un service voyageurs TER de Pont-Saint-Esprit à Avignon Centre et Nîmes Centre. Elle envisageait de rétablir au moins le fret sur Auch-Agen.
Limoux-Quillan et Séverac-Rodez suspendus
Tentant de calmer le jeu, le vice-président du Conseil régional d’Occitanie chargé des Transports, Jean-Luc Gibelin, a expliqué en décembre que le projet de réouverture de Limoux-Quillan (60 millions d’euros pour 28 km) n’était l’objet que d’une « suspension ». Celui de la ligne d’Alès à Bessèges (80 millions d'euros pour 32 km), dont la région Occitanie a pris la pleine gestion à SNCF Réseau, a vu son horizon de remise en service reporté de 2026 à 2028 et ses études préalables multipliées sans fin, mais le principe de sa réouverture n’est pas remis en question.
La réouverture de Montréjeau-Luchon (35,6 km), dont la gestion a elle aussi été transférée de SNCF Réseau à la région Occitanie, voit ses travaux continuer d’avancer pour une remise en service en juin 2025. Il en ira de même pour l’intensification des services sur la rive droite du Rhône avec desserte de six gares intermédiaires. En revanche, comme indiqué plus haut, le projet Séverac-Rodez (46 km) est gelé au même titre que Limoux-Quillan pour lesquels « on réfléchit », confirme un élu.
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Sur la commune de Seilhan, vue d'une étape de la rénovation avec dépose de la voie ancienne de la ligne Montréjeau-Luchon. Désormais gérée directement par la région Occitanie, cette ligne sera remise en service en juin prochain. (Cl. Lio-Occitanie)
Mais ce ne sont pas seulement les deux projets de réouverture (Limoux-Quillan et Séverac-Rodez) qui sont gelés à l’ouest du Rhône. La région Occitanie entreprend aussi de réduire ses ambitions en matière de nouvelles rames. Elle déclare vouloir « optimiser et reporter l’acquisition de 10 nouvelles rames minimum sur les 18 Regio 2N et trois Régiolis Hydrogène prévus, en partenariat avec la région Nouvelle-Aquitaine ». Une occasion de renoncer au très coûteux hydrogène ? L’économie est évaluée à 93 millions d’euros.
L’Occitanie refuse la gestion des routes nationales, contrairement à Auvergne-Rhône-Alpes
En revanche, l’Occitanie reste partenaire et donc cofinanceur dans les deux projets de lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Montpellier-Perpignan, Montpellier-Béziers dans un premier temps. De même qu’elle ne remet pas en question sa faible participation (7 millions d’euros) aux travaux de construction de l’autoroute A69 Castres-Verfeil (Toulouse) (53 km), d’un coût total de 459 millions d’euros.
On peut s’interroger enfin sur les capacités budgétaires de l’Occitanie à participer aux rénovations des sections les plus dégradées sur son territoire de la ligne Béziers-Neussargues, jusqu’à Loubaresse, limite avec la région Auvergne-Rhône-Alpes.
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Rame AGC Occitanie en gare de Saint-Flour, sur le territoire de la région Auvergne-Rhône-Alpes. L'Etat se souviendra-t-il qu'il détient un capital d'infrastructure précieux voire indispensable pour les populations de ces départements éloignés des métropoles mondialisées ? (Cl. RDS)
En revanche, l’Occitanie « a renoncé à l’expérimentation (pour au moins cinq ans, NDLR) de la gestion des routes nationales RN88, RN20 et RN125 », contrairement à sa voisine Auvergne-Rhône-Alpes.
En Auvergne-Rhône-Alpes, l’effort budgétaire demandé par l’Etat est évalué à 170 millions d’euros pour 2025. Pour autant, le conseil régional siégeant à Lyon a accepté de reprendre la gestion au 1er janvier dernier des routes nationales RN88, RN7 et RN82, soit un total de 756 km.
Le biais pro-route d’Auvergne-Rhône-Alpes, qui a perdu six sections ferroviaires en 20 ans
Le biais pro-route d’Auvergne-Rhône-Alpes se confirme ainsi d’autant que ce conseil régional a refusé depuis deux ans le principe de sa participation au financement de travaux de réouverture de lignes ferroviaires, malgré la promesse du ministre des Transports de l’époque, Clément Beaune, d’une participation de l’Etat contre engagement de la région.
Or cette région a subi une rafale de neutralisation depuis deux décennies, plus nombreuses encore que sa voisine Occitanie : Saint-Claude-Oyonnax (30 km, 2017) ; Boën-Thiers (47 km, 2016) ; Laqueuille-Ussel (40 km, 2014) ; Montluçon-Eygurande-Merlines (92 km, 2008) ; Lapeyrouse-Volvic (56,7 km, 2007) ; Firminy-Dunières (27 km, 2003) ; sans compter la suspension du trafic voyageurs de Volvic à Laqueuille et au Mont-Dore (58 km, 2015), le fret y étant maintenu après réfection partielle en 2021 avec participation de la région.
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