Cela fait 26 ans que Kiki (Jean-François) Gouazé anime son café – restaurant dans la commune de Saint-Martory, un café présent depuis le début du siècle dernier. C’est dans ce café qu’Armande Lasheras, membre du réseau Françoise, aidait les clandestins, la plupart des aviateurs anglais, américains… tombés en France, en leur procurant de la nourriture, des tickets de ravitaillement, etc. L’hôtel-restaurant Lasserre, siège de l’Etoile Sportive Saint Martyrienne, était la dernière étape avant qu’ils soient récupérés par les passeurs, direction les Pyrénées et l’Espagne.
Aujourd’hui, les clients qui s’y croisent ne sont pas forcément aviateurs mais nombre de touristes sont anglais, américains, espagnols, africains… Et pour tous c’est là une halte bénéfique, avec toujours un accueil sympathique, quelques blagues du patron et l’inévitable apéro, fleuron des traditions françaises.
Alors lorsqu’on parle à Kiki de "classement au patrimoine culturel immatériel", il ne peut que s’en réjouir. Avec quelques interrogations toutefois : "c’est bien de vouloir les classer au patrimoine, de vouloir éviter qu’ils disparaissent, mais quelles mesures seront prises pour éviter que certains ne ferment faute de repreneurs ou faute de revenus ? Y aura-t-il des aides ?" Quelques pistes sont évoquées du côté de l’association des Bistrots et Cafés de France "comme une Journée nationale des bistrots et cafés, des actions de sensibilisation des jeunes aux métiers des bistrots dans les établissements de formation de restauration ou encore une Exposition patrimoniale grand public dans un lieu prestigieux, car il faut que les gens soient fiers de travailler dans ces lieux." Mais il faudra aller plus loin !
Pour Bernard, lui-même ancien patron de bar – restaurant dans les Pyrénées, "les bistrots sont indispensables. Dans les villages reculés, comme là où j’étais. Nous ne faisions pas que la restauration et le bar. Parfois il fallait remplir les papiers des assurances, des impôts, aider les gens à se débrouiller. Nous avions un rôle social et c’est toujours le cas aujourd’hui."
Sans oublier que les bistrots étaient souvent les premiers lieux des sièges sociaux des clubs sportifs, comme le foot ou la pétanque à Saint-Martory. Avec le patron qui veille toujours au grain, ne laissant pas repartir ceux qui auraient abusé de la boisson. C’est aussi un refuge pour ceux qui sont expatriés, ceux qui sont seuls : "Kiki il nous met la télé quand il y a des matchs avec les équipes de nos pays d’origine", explique un jeune réfugié. "Sans ça nous ne pourrions pas les voir, car nous n’avons pas les chaînes adaptées."