Un nouveau service civique dédié à l’écologie sera lancé le 27 août, avec l’objectif de former 1 000 jeunes de 16 à 25 ans. Un dispositif « enthousiasmant », qui comprend quelques freins.
Une étape supplémentaire de franchie dans le déploiement du nouveau service civique écologique. Dans l’après-midi du mardi 27 août, dans une ressourcerie parisienne, l’Agence du service civique, l’Ademe et l’association Unis-Cité signeront une convention pour le recrutement et la formation de 1 000 ambassadeurs de ce nouveau dispositif en France métropolitaine et à La Réunion.
« Ils auront trois grandes missions, explique Marie Trellu-Kane, présidente exécutive et cofondatrice d’Unis-Cité. Agir concrètement pour la transition écologique dans un des domaines suivants : mieux se loger, mieux se nourrir, mieux préserver la planète et valoriser les écosystèmes, mieux se déplacer. Aider à recruter leurs successeurs en faisant la promotion du service civique écologique dans tous les milieux — pas uniquement auprès de masters en développement durable. Et accompagner les citoyens dans l’évaluation de leur empreinte carbone et les amener à la réduire. »
Annoncé en janvier par le Premier ministre Gabriel Attal lors de sa déclaration de politique générale, le service civique écologique a été lancé le 8 avril par Sarah El Haïry, alors ministre déléguée chargée de la Jeunesse, et Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique. L’objectif est d’atteindre 50 000 volontaires d’ici 2027. Car si le service civique « traditionnel », lancé en 2010, a attiré près de 80 000 jeunes en 2022, « les missions en lien avec l’environnement ne représentent que 6,5 % des jeunes engagés et consistent principalement en des missions de préservation de la biodiversité réalisées dans des associations », écrit le ministère de la Transition écologique à Reporterre.
« Il existe un paradoxe français : notre pays compte le plus grand nombre d’engagés en service civique d’Europe, notre jeunesse est extrêmement engagée sur les thématiques du climat et très peu de services civiques sur les thématiques environnementales », observe Sylvain Waserman, PDG de l’Ademe.
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Le service civique écologique partage de nombreuses caractéristiques avec son grand frère. Les missions, d’une durée de six mois à un an, seront réservées aux jeunes de 16 à 25 ans, et jusqu’à 30 ans pour ceux en situation de handicap. Les volontaires recevront une indemnité minimale de 620 euros, pouvant s’élever à 735 euros pour les étudiants boursiers des échelons 5 à 7 ou les bénéficiaires du RSA.
Il présente aussi quelques innovations. De nouvelles structures pourront accueillir des volontaires, parmi lesquelles des entreprises publiques de la transition écologique — le gestionnaire du réseau de distribution électrique Enedis sera d’ailleurs présent à la signature de la convention. Les jeunes engagés bénéficieront d’une « formation de 1 à 3 jours sur les grandes questions de la transition écologique », indique Marie Trellu-Kane.
Le gouvernement s’est aussi engagé à ce que chaque ancien volontaire qui le souhaite se voit proposer une offre d’emploi ou de stage dans les domaines de la transition écologique. « Des discussions sont en cours avec le Medef pour préciser les modalités pratiques du partenariat », précise le ministère de la Transition écologique, qui dit s’être entouré d’autres partenaires tels que France Travail, le Réseau pour l’emploi (missions locales et Cap emploi) et le groupement d’intérêt public La France s’engage. Contacté, le Medef n’a pas répondu à notre demande d’interview.
Les freins liés au budget
Plusieurs associations se félicitent de la création de ce nouveau service civique. « C’est enthousiasmant, se réjouit Jean-Pierre Bouquet, président d’Éco Maires et maire de Vitry-le-François dans la Marne. On va voir des jeunes s’engager sur des projets qui font sens pour le climat, pour eux, pour leurs anciens et peut-être leurs descendants, sur des causes qui méritent d’être portées. »
L’élu identifie aussi tout à fait l’intérêt de ce dispositif pour des communes comme la sienne. « Depuis mars, nous sommes envahis de moustiques. Évidemment, un syndicat traite. Mais on peut imaginer des jeunes en service civique encadrés par des associations environnementales pour la fabrication et l’installation de nichoirs pour les chauves-souris et les passereaux, ses prédateurs naturels », imagine-t-il.
Pour que l’initiative soit couronnée de succès, il reste plusieurs freins à desserrer. Le budget, d’abord. Les 1 000 ambassadeurs d’Unis-Cité coûteront « 12 millions d’euros », calcule Marie Trellu-Kane. 6 millions sont financés par l’Agence du service civique, qui prend à sa charge l’indemnité versée aux volontaires et leur couverture sociale. Les 6 millions restants sont apportés par l’Ademe (3 millions) et des collectivités territoriales et des entreprises (3 millions), pour payer l’ingénierie de projet, les transports, la formation, l’encadrement des jeunes. Mais après ? « Des financements seront recherchés pour financer, en particulier, la formation des jeunes à la transition écologique. L’engagement accru des collectivités territoriales doit également permettre de mobiliser des financements », répond seulement le ministère de la Transition écologique.
Plusieurs associations réclament aussi un soutien financier pour réussir à augmenter le nombre de missions de services civiques écologiques qu’elles proposent et ainsi atteindre les objectifs affichés par le gouvernement. La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) accueille déjà 200 jeunes en service civique par an sur des missions de gestion des espaces naturels, de sensibilisation du public et en centres de soins pour la faune sauvage. Elle vise les 300 par an d’ici 2027. « C’est un investissement fort qui a un coût, alerte Vanessa Lorioux, directrice générale mobilisation citoyenne à la LPO. D’outillage, en matériel informatique par exemple ; administratifs, de rédaction de contrat et de fiches de paie ; et en temps de travail, à travers le tutorat et la formation du jeune. »
Pour Frédérique Resche-Rigon, pilote du réseau éducation et sensibilisation à la nature et à l’environnement à France Nature Environnement (FNE), ce soutien est d’autant plus important que le gouvernement « continue à réduire le financement des associations depuis des années ». D’après Marie Trellu-Kane, un accord est en discussion avec l’Office français de la biodiversité (OFB) pour qu’il accorde une enveloppe supplémentaire aux associations environnementales.
Quid des actions du gouvernement ?
Il faut aussi convaincre et aider les jeunes à s’emparer de ces nouvelles missions. Pour cela, l’indemnité ne sera peut-être pas suffisante. « Un service civique dans le domaine de l’environnement, ce n’est pas forcément proche de chez soi ou de chez ses parents. Les centres de soins ou les réserves naturelles peuvent être éloignés, rappelle Vanessa Lorioux. On attend de l’État un vrai soutien pour que le logement ou le transport soit pris en charge. »
Un important travail de communication reste aussi à mener, pour que les jeunes éligibles se tournent vers ces engagements. « On a parfois des missions qui ne trouvent pas preneurs », signale la directrice générale mobilisation citoyenne à la LPO.
Au-delà de ces considérations pratiques, quelle ouverture peut apporter ce nouveau service civique écologique à la jeunesse ? En avril, Christophe Béchu vantait sur Public Sénat un « moyen de répondre à une forme d’écoanxiété ». « Quand on voit des jeunes qui considèrent que la façon d’agir, c’est d’aller jeter de la purée dans des musées, je préfère qu’on leur donne les moyens de regarder comment de façon concrète s’engager au service de l’écologie », déclarait-il.
Frédérique Resche-Rigon, dont l’association, FNE, accueille 250 services civiques par an, est plus prudente. Elle trouve intéressant l’aspect « formation et éducation d’un côté, valeur et engagement de l’autre ». « C’est donner la possibilité à des jeunes, en étant consolidé financièrement, de mettre en œuvre des idées tout en découvrant un secteur, une activité, des métiers qui peuvent éventuellement les inspirer pour la suite, apprécie-t-elle. L’action est aussi un bon moyen de lutter contre l’impression que quelque chose d’inexorable nous tombe dessus. »
Mais ce ne sont pas 50 000 volontaires en service civique écologique qui changeront la donne, rappelle-t-elle : « Pour lutter contre l’écoanxiété, il faut des engagements du gouvernement, des entreprises et des collectivités. Si l’on continue sans état d’âme à promouvoir le nucléaire, à multiplier les voitures électriques et à polluer, ça ne marchera pas. »
Nous avons eu tort.